Le recentrage de Hollande sur la sécurité et l’international a pour corollaire l’immobilisme économique.
Michel Audiard rappelait que « la vérité n’est jamais amusante, sinon tout le monde la dirait ». Peu nombreux sont ceux qui en assument les risques. Deux ans avant l’élection de la dernière chance pour redresser la France, les électeurs de Franche-Comté, confirmant la gifle des élections européennes, ont jeté à la face de l’UMP deux vérités dérangeantes : l’UMP ne constitue pas une alternative crédible à l’échec historique de la gauche ; le FN, à défaut d’être en état de gouverner, peut gagner sans alliance des scrutins nationaux.
François Hollande acquitte le prix fort pour s’être enfermé dans le déni de la crise. L’UMP sera durement sanctionnée si elle persiste dans le déni de son échec à incarner une opposition responsable. Au lieu de communier dans la culture de l’excuse, en mettant en cause la faiblesse du candidat, un terroir très industriel, le rejet des élites ou de la politique, elle devrait tenir cette élection pour ce qu’elle est : un ultime avertissement à se réveiller pour combler le quadruple déficit qui la mine.
Déficit de leadership. L’illusion selon laquelle l’UMP ne manquait que d’un chef a vécu. Le retour de Nicolas Sarkozy a mis fin au règne de la fraude et de la corruption mais il n’a rien réglé. L’UMP a un président mais n’a ni âme ni unité. Nicolas Sarkozy semble plus porté par sa volonté de revanche que par une idée de la France. La fin de sa fausse retraite contribue à relégitimer François Hollande et ressouder la gauche. Elle exacerbe à l’inverse le choc des ego et des ambitions à droite dans la perspective des primaires.
Déficit de stratégie. Le ni-ni acte un aveu d’impuissance. L’UMP a fait le pari qu’elle bénéficierait d’une dynamique inverse de celle de 2012. Elle s’est persuadée qu’elle avait les élections gagnées jusqu’à 2017 grâce à l’anti-hollandisme et au tabou qui interdirait au FN d’accéder au pouvoir. Or ces deux principes sont faux. La sous-estimation de François Hollande par Nicolas Sarkozy lui a été fatale en 2012. Elle sera de nouveau meurtrière en 2017 : quelles que soient ses insuffisances, François Hollande a endossé l’habit d’un chef de l’État avec les attentats de Paris puis l’accord de Minsk sur l’Ukraine. De même, l’UMP ne peut continuer à ignorer la dédiabolisation du FN et la réorientation du discours de Marine Le Pen autour de l’économie, de l’État, de la laïcité et de la République. Force est de constater que le FN n’est plus aujourd’hui aux yeux des Français un parti protestataire mais un parti de gouvernement.
Déficit d’électeurs. L’UMP peut largement gagner les élections départementales et régionales mais elle est en risque majeur pour les élections nationales. Elle a perdu le contrôle des territoires qui lui étaient traditionnellement favorables comme de son électorat qui la quitte ou se reporte massivement en faveur du FN.
Déficit de projet. Trois ans après la défaite de 2012, l’UMP ne dispose pas même de l’ébauche d’un programme. Il n’est pas jusqu’à la sécurité et à la politique pénitentiaire où la déroute de la gauche est totale, où elle s’est montrée incapable d’avancer la moindre proposition au lendemain des attentats de Paris. Le débat des primaires se réduit pour l’heure à un jeu de postures. Le combat des idées se limite à prétendre régler les problèmes du XXIe siècle avec les recettes du XIXe siècle, du retour du service militaire au protectionnisme en passant par l’assimilation des immigrés. L’UMP est ainsi tout sauf un parti d’opposition dont la première mission consiste à faire émerger une alternative politique, c’est-à-dire des équipes et un projet pour exercer le pouvoir et non simplement le conquérir.
Les Français ont pleinement conscience de l’accélération de leur déclassement et de celui de la France. Ils ne sont plus d’humeur à signer des chèques en blanc à des dirigeants qui se sont montrés incapables par le passé de mettre en œuvre les réformes indispensables. Ils n’en sont plus à rêver d’un homme providentiel mais à rechercher un espoir pour redresser le pays avant qu’il ne bascule dans la violence. Pour gagner en 2017, il faudra faire la démonstration de sa capacité à gouverner, c’est-à-dire à réformer.
Pour l’UMP, il en résulte plusieurs impératifs. D’abord la décomposition de la France et de son système politique ne permet pas à l’opposition d’avoir un leader à temps partiel : s’il entend se présenter de nouveau à la présidence de la République, Nicolas Sarkozy doit renoncer à ses activités privées. Il lui reste par ailleurs à s’expliquer sur ses erreurs de comportement, ses choix d’entourage et la dérive démagogique qui ont fait déraper son quinquennat et à détailler les contre-mesures qui interdiront leur répétition.
Surtout, l’UMP doit élaborer un projet crédible de redressement autour de quelques grands principes. Cesser de vouloir être plus étatiste et anticapitaliste que le PS et plus xénophobe et anti-européen que le FN. Rendre l’espoir à la France d’en bas et remettre en mouvement la France d’en haut. Mobiliser les citoyens au lieu de sanctuariser l’État. Être de plain-pied avec le XXIe siècle au lieu de cultiver la nostalgie d’un passé disparu. Concentrer tous les efforts sur la modernisation du modèle économique et social dont le blocage détruit la nation. Miser sur une thérapie de choc au lieu d’ânonner tout ce qui échoué depuis trois décennies.
Il reste à l’UMP moins d’un an pour se mettre au travail afin de redevenir une force d’opposition capable d’exercer le pouvoir. À défaut, les dirigeants de la droite française devront assumer la responsabilité d’avoir fait élire puis réélire François Hollande ou, pire, d’avoir porté Marine Le Pen au pouvoir.
(Chronique parue dans Le Figaro du 16 février 2015)