Le pays est en cessation de paiement, le chômage et les inégalités ne cessent de croître. Tel est le sombre bilan du chavisme qui aura ruiné le Venezuela.
Deux ans après la mort d’Hugo Chavez, la descente aux enfers du Venezuela connaît une brutale accélération. Et ce pour trois raisons. Le contre-choc pétrolier qui provoque l’effondrement des recettes d’exportations. La faiblesse du leadership de Nicolas Maduro qui entraîne le pays dans une fuite en avant de violences et de recherche de boucs émissaires. Enfin la normalisation des relations entre les États-Unis et Cuba qui achève d’isoler le régime de Caracas.
Avec Chavez, la révolution bolivarienne était dans l’impasse ; avec Maduro, elle explose. Le socialisme du XXIe siècle revendiqué par Chavez et son successeur partage en effet avec le socialisme du XXe siècle un même bilan : la ruine d’un pays riche et la paupérisation des masses.
Alors qu’il possède les premières réserves de pétrole du monde devant l’Arabie saoudite (300 milliards de barils de pétrole contre 270 milliards), le Venezuela est en cessation de paiements.
Le produit national sera en récession de 4 % en 2015. Le pillage de la compagnie pétrolière nationale PDVSA la laisse exsangue et incapable d’investir pour maintenir sa production, alors qu’elle assure 96 % des exportations et plus de la moitié des recettes budgétaires. Les confiscations de terres et d’actifs ont entraîné la disparition de milliers d’entreprises et la liquidation de la production nationale, 80 % des biens de consommation étant désormais importés. Le chômage s’est envolé en même temps que la pauvreté qui touche désormais 30 % de la population, alors qu’elle a été réduite de plus d’un tiers dans l’ensemble de l’Amérique latine depuis 2000.
Cette catastrophe économique et sociale a pour pendant la faillite financière. L’inflation atteint le niveau record de 62 % officiellement et dépasse en réalité 120 %. Le bolivar s’est liquéfié, avec un cours passé de 15 à 200 pour un dollar. Le déficit budgétaire culmine à 20 % du PIB et le besoin de financement du pays pour 2015 s’élève à 35 milliards de dollars contre des réserves de change réduites à 20 milliards. Même la Chine refuse aujourd’hui tout nouveau prêt en échange de livraisons d’hydrocarbures de plus en plus improbables. La suspension in extremis du programme PetroCaribe, qui a coûté plus de 50 milliards de dollars en dix ans, ne suffira donc pas à éviter le défaut de paiement du Venezuela qui interviendra au plus tard en 2016.
Plus la faillite se rapproche, plus le régime chaviste s’enferme dans la paranoïa du pouvoir personnel et dans une logique de guerre civile. La démocratie et l’État de droit sont réduits à des fictions par la permanence des lois d’exception qui confient tous les pouvoirs au président. L’impéritie chronique de Nicolas Maduro va de pair avec une prise de contrôle rampante de l’État par l’armée. Les responsables de l’opposition sont contraints à l’exil ou emprisonnés, à l’image de Leopoldo Lopez ou Antonio Ledezma, le maire de Caracas. Les manifestations pour la liberté et contre la pauvreté ont été réprimées dans le sang, laissant 43 morts et plus de 600 blessés. Le Venezuela enregistre près de 25 000 meurtres par an et Caracas est devenue la ville la plus dangereuse du monde. Les frères Castro, à Cuba, ne s’y sont pas trompés qui conservent un souvenir cuisant de l’onde de choc provoquée par la chute de l’Union soviétique. Le Venezuela de Chavez assurait 20 % du PIB de l’île en échange de la présence de dizaines de milliers de conseillers cubains dans la santé, l’agriculture, l’énergie, mais surtout dans les services de sécurité et le renseignement. L’arrêt de cette manne impliquait une nouvelle chute du niveau de vie des Cubains que la population n’était pas en état de supporter. D’où le rapprochement avec les États-Unis qui permet d’envisager la levée de l’embargo et marque la fin de la guerre froide en Amérique latine, actée par la poignée de main entre Barack Obama et Raul Castro lors du sommet des Amériques de Panama. D’où l’isolement diplomatique total du régime de Nicolas Maduro, devenu infréquentable y compris pour l’Iran, la Biélorussie ou la Syrie.
Le stade suprême de la révolution bolivarienne, ce sont la prison et la pauvreté pour tous. Le chavisme, ultime avatar du caudillisme, est une calamité et une honte pour le Venezuela comme pour l’Amérique latine. Il est irréformable tant il est indissociable d’un pouvoir dictatorial, du culte de la personnalité et d’une économie de prédation. Deux issues sont donc possibles : un coup d’État militaire ou une contre-révolution de la liberté. Le silence conservé par les démocraties d’Amérique latine et d’Europe devant la tragédie que vit le Venezuela est insupportable. Comme face à l’Afrique du Sud de l’apartheid, comme face à l’Iran des ayatollahs ou à la Nouvelle Russie de Vladimir Poutine, elles devraient se joindre aux sanctions décidées par les États-Unis pour faire pression sur le régime liberticide de Nicolas Maduro et soutenir l’opposition démocratique.
Chronique parue dans Le Figaro du 18 mai 2015)