États-Unis, Angleterre, France : la décennie 2020 est celle de tous les dangers pour les démocraties.
En France, le RN de Marine Le Pen et Jordan Bardella, après sa victoire éclatante aux élections européennes, se trouve en position de force pour les législatives convoquées de manière irresponsable par Emmanuel Macron et est aux portes du pouvoir. Au Royaume-Uni, Nigel Farage et son nouveau parti, Reform UK, dépassent, dans les sondages, le Parti conservateur de Rishi Sunak pour les élections législatives anticipées du 4 juillet, auxquelles le Premier ministre s’est résigné en prenant acte de son incapacité à gouverner et de son échec sur la relance de l’économie et la maîtrise de l’immigration.
Aux États-Unis, Donald Trump, en dépit de son refus de reconnaître le résultat de l’élection de 2020, en dépit de son soutien à la prise d’assaut du Capitole le 6 janvier 2021 et de sa condamnation dans l’affaire Stormy Daniels, conserve son avance dans les sondages, notamment dans six des sept « swinging States ». Il s’appuie sur un programme radical associant purges de l’État, protectionnisme généralisé, remise en question des alliances stratégiques, négociation avec la Russie et arrêt du soutien à l’Ukraine.
Témoignant de la crise existentielle de la démocratie, l’extrême droite déferle ainsi dans les trois pays qui ont inventé la liberté politique: l’Angleterre avec l’habeas corpus et le parlementarisme ; les États-Unis avec la Constitution et la séparation des pouvoirs ; la France avec la souveraineté nationale et l’affirmation de l’universalité des droits de l’homme. Elle prospère, quelles que soient les institutions, qu’il s’agisse du parlementarisme britannique, du régime présidentiel américain ou de la monarchie républicaine française.
La décennie 2020 est celle de tous les dangers pour les démocraties, prises en tenailles entre les menaces extérieures et l’extrémisme intérieur qui, comme dans les années 1930, a basculé à droite avec l’implosion des classes moyennes. Et ce d’autant que coexistent deux extrêmes droites. La première, qui domine en France, au Royaume-Uni et aux ÉtatsUnis, est héritée des années 2010 : elle cumule culte des hommes forts, détestation des élites et du libéralisme, dénonciation de «l’État profond», xénophobie et hypernationalisme, proximité avec la Russie. La seconde, portée par Giorgia Meloni, consiste en un postpopulisme qui repose sur l’union des droites et qui tire les leçons des échecs des années 2010 – Brexit en tête – ainsi que du changement d’ère provoqué par l’invasion de l’Ukraine en mariant conservatisme sur les valeurs, fermeté dans la lutte contre l’immigration et l’insécurité, stratégie économique favorable aux entreprises, insertion dans le jeu des institutions européennes, atlantisme et solidarité avec l’Ukraine.
Le surgissement d’une puissante deuxième vague d’extrême droite peut paraître paradoxal au regard de l’échec des expériences des années 2010 comme des difficultés des autocrates du XXIe siècle. La faillite des populistes a été totale. Économique et sociale avec le Brexit comme avec la coalition des extrêmes en Italie. Sanitaire et intellectuelle avec le bilan humain catastrophique des démagogues enfermés dans leur dénégation du danger de l’épidémie de Covid et de l’efficacité des vaccins. Stratégique avec la complaisance entretenue envers la Russie, alors même qu’elle fait peser une menace existentielle sur l’Europe. Politique et morale avec la corruption des institutions démocratiques et les coups de force aux États-Unis avec l’assaut du Capitole ou au Brésil avec l’attaque de Brasilia.
Mais, dans le même temps, les chocs des années 2020 ont porté à un
La démagogie va de pair avec une faible capacité à gouverner du fait de son déni des réalités.
point d’incandescence les faiblesses des démocraties : la déception devant l’incapacité à tenir la promesse d’une amélioration du bien-être matériel pour la majorité de la population ; le risque de paralysie des institutions représentatives sous la pression de la radicalisation des opinions et de la contagion de la violence ; la contradiction des valeurs avec l’explosion des tensions entre l’égalité d’une part, la liberté et les identités d’autre part ; l’incapacité à maîtriser l’immigration illégale et l’échec de l’intégration sont devenus le symbole de l’impuissance de la démocratie représentative.
Pour autant, aux États-Unis comme en France et au Royaume-Uni, le retour ou l’arrivée de l’extrême droite provoqueraient une forte aggravation des maux qu’elle dénonce, en même temps qu’un péril majeur pour la démocratie. La démagogie va en effet de pair avec une faible capacité à gouverner du fait de son déni des réalités : déni par Donald Trump de sa défaite de 2020 ; déni par Nigel Farage du désastre du Brexit ; déni par Marine Le Pen de la situation financière critique de la France, de l’éclatement de la mondialisation, des ambitions de puissance du régime russe. Par ailleurs, l’extrême droite ne peut être réduite, y compris à la lumière du postpopulisme de Giorgia Meloni, à une version dure du conservatisme. Son nationalisme, sa xénophobie, son culte de la force et son mépris pour l’État de droit restent des armes fatales contre la démocratie.
La promesse de garantir l’enrichissement, la sécurité ou l’égalité contre le sacrifice de la liberté se révèle toujours un marché de dupes. Toutes les forces politiques ou économiques qui ont fait le pari d’une alliance avec les extrémistes pour les domestiquer l’ont payé de leur élimination. Voilà pourquoi il est vital de préserver l’exercice libre du suffrage universel et l’État de droit. Ils fixent des limites aux expériences d’extrême droite et permettent une réversibilité des choix, comme aux États-Unis en 2020 ou en Pologne en 2023. Surtout, ils constituent la seule garantie de la maîtrise par les citoyens de leur destin et de la responsabilité du gouvernement devant eux
Des richesses, en particulier les mines d’or mais aussi la récolte de gomme arabique, dont le Soudan est le premier producteur mondial.
Il est urgent que les Européens se départissent de leur indifférence, et cela pour de multiples raisons. Primo, la guerre civile favorise les visées impérialistes du Kremlin, qui alimente les combats en livrant des armes aux deux camps et en déployant ses propres miliciens de l’Africa Corps (l’ex-milice Wagner).
Secundo, la mer Rouge, voie de transit cruciale entre l’Asie et l’Europe, borde le Soudan. Quelque 12 % du commerce maritime mondial empruntent cette voie qui relie l’océan Indien à la Méditerranée via le détroit de Bab el-Mandeb et le canal de Suez.
Tertio, le Soudan pourrait redevenir un foyer de terrorisme international. L’anarchie favorise l’éclosion de groupes djihadistes armés, dans une région où ils sont déjà bien implantés (Libye et Mali, entre autres). Sous la dictature islamiste d’Omar el-Béchir, le Soudan avait notamment donné asile au Saoudien Oussama ben Laden, le chef d’AlQaïda, mais aussi au Vénézuélien Carlos, responsable d’attentats à l’explosif dans les années 1980 à Paris.
Quarto, le conflit nourrit la migration. En 2018 et 2019, descendus dans la rue pour réclamer la démocratie, les manifestants soudanais rêvaient d’un avenir dans leur pays plutôt que de l’exil. Les ambitions coupables des seigneurs de la guerre ont changé la donne. Actuellement, environ 2 millions de Soudanais se sont réfugiés à l’étranger, en Égypte, au Tchad ou en Centrafrique, notamment. Nombre d’entre eux seront tentés de poursuivre leur voyage vers l’Europe.
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Chronique parue dans Le Point du 28 juin 2024