Les Français ont pris leurs responsabilités en faisant barrage au RN. Reste aux dirigeants politiques à assumer les leurs.
Les Français se sont massivement mobilisés lors du second tour des élections législatives, avec une participation historiquement élevée de 66,6 % des électeurs, pour faire prévaloir la raison contre la décision insensée d’Emmanuel Macron de dissoudre l’Assemblée nationale à la veille des Jeux olympiques. Ils ont retourné leur vote du premier tour, qui donnait un net avantage au Rassemblement national, pour placer ce dernier en troisième position. Par là même, ils ont manifesté leur refus de voir l’extrême droite arriver au pouvoir en France, transformant ce second tour en référendum contre Jordan Bardella, comme les élections européennes furent un référendum contre Emmanuel Macron.
L’arrivée en tête de la gauche du Nouveau Front populaire et la résistance du bloc central ont ainsi été saluées comme une divine surprise en France, où l’extrême droite n’est jamais parvenue au pouvoir à la suite d’élections régulières, comme en Europe. Il n’est pas jusqu’aux marchés financiers, qui n’aient montré un calme étonnant. Tous se félicitent de voir écarté le risque d’une embardée populiste marquée par une rupture de la France avec l’économie ouverte, l’État de droit, l’Union européenne et l’alliance des démocraties face à la menace de la Russie.
Pour autant, le prix à acquitter pour ce soulagement s’avère très élevé. Il réside dans l’ingouvernabilité de la France à un moment critique de son histoire. En guise de clarification, la dissolution débouche en effet sur une confusion totale. Le front républicain, phénix qui a resurgi de ses cendres, s’est révélé une arme électorale fatale contre le RN. Il n’apporte en revanche aucune solution pour gouverner.
La Ve République, qui a résisté aux alternances et aux cohabitations pour battre un record de longévité, affronte un nouveau test crucial. Le président est très affaibli, même s’il reste en position d’arbitre. Le pouvoir bascule vers le Parlement, mais l’Assemblée est ingouvernable, éclatée en trois blocs dont aucun ne peut réunir une majorité même relative. Il n’existe ni dirigeant, ni projet, ni programme politiques qui puissent fédérer les Français et leurs représentants. Le Mario Draghi français n’existe pas.
Épreuve absurde et inutile.
Dans le même temps, loin de suspendre la crise française, la dissolution et les élections l’ont formidablement accélérée, ce qui ne permet pas de laisser le pays en pilotage automatique. Le gouvernement conduit par Gabriel Attal peut gérer les affaires courantes et assurer vaille que vaille le déroulement des Jeux olympiques, mais il ne dispose d’aucune légitimité pour préparer le budget pour 2025, qui doit être déposé au début du mois d’octobre.
Or, la France sort exsangue de l’épreuve absurde et inutile à laquelle l’a soumise le président de la République. La croissance, qui était inférieure à 1 %, est désormais nulle. L’activité est à l’arrêt, les défaillances d’entreprises s’envolent, les projets d’investis
Il n’existe ni dirigeant, ni projet, ni programme politiques qui puissent fédérer les Français et leurs représentants. Le Mario Draghi français n’existe pas.
sements ou d’embauche sont suspendus, les capitaux et les talents s’exilent. La dérive des finances publiques se poursuit avec un excès de dépenses de 6 milliards d’euros et une insuffisance des recettes de 1,4 milliard pour les cinq premiers mois de l’année, tandis que le plan de 10 milliards d’économies reste dans les limbes. Or les programmes des trois blocs prévoient des dépenses supplémentaires à hauteur de 6 % du PIB pour le NFP, de 1 % du PIB pour Ensemble, de 3 % du PIB pour le RN. Et ce, alors que la dette souveraine de la France est placée sous surveillance par les agences de notation, les marchés et nos partenaires européens et que l’Allemagne a déjà indiqué qu’elle s’opposerait à ce que notre pays bénéficie du mécanisme de stabilité de la BCE en cas de choc financier.
Les élections aggravent aussi la colère sociale et le ressentiment politique. Les attentes des Français, nourries par la démagogie, sont aux antipodes des réalités économiques et financières. Il n’a été question que de nouvelles aides pour financer la consommation et de redistribution, alors que le problème central est celui de la production, puisque notre pays ne produit que 36 % des biens industriels qu’il utilise. Par ailleurs, la gauche, grâce au front républicain, sort en tête, alors que le pays n’a jamais été aussi à droite. Avec à la clé une profonde frustration au sein des partisans du RN mais aussi des électeurs modérés, qui ont souhaité faire barrage à l’extrême droite tout en ne se reconnaissant nullement dans le programme suicidaire du NFP.
Enfin, le fossé se creuse entre la France et le monde extérieur, qu’il s’agisse des investisseurs, de nos partenaires européens ou de nos alliés. Si une rupture brutale est désormais exclue, il n’en demeure pas moins que les trois blocs ont multiplié les mesures contradictoires avec les valeurs et les règles de l’Union européenne, sans le concours de laquelle notre pays, à l’instar de l’Italie, ne peut plus se relever. La France, plongée dans une immense incertitude politique, ne peut par ailleurs plus être tenue pour un allié fiable par les autres démocraties, notamment face à la Russie de Vladimir Poutine.
ductions locales par les exportations chinoises provoque des représailles de la part des pays du Sud.
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Chronique parue dans Le Point du 11 juillet 2024