L’entêtement de Joe Biden fait le jeu de Donald Trump et pourrait entraîner, par ailleurs, un basculement du Congrès entre les mains des Républicains. Les démocrates doivent donc faire pression sur le président sortant afin qu’il retire sa candidature et celle de Kamala Harris.
L’année de toutes les élections connaîtra son apogée le 5 novembre, avec le scrutin présidentiel aux États-Unis. Il déterminera le destin de la démocratie en Amérique et dans le monde. Il se présente comme un nouveau référendum pour ou contre Donald Trump, qui entend prendre sa revanche sur le vote de 2020, dont il continue à prétendre contre l’évidence qu’il l’a gagné. Son retour à la Maison-Blanche se traduirait par l’évolution des États-Unis vers une forme de démocratie illibérale, par la généralisation du protectionnisme, qui casserait les échanges et les paiements mondiaux, enfin par une complaisance envers la Russie de Vladimir Poutine – sinon la Chine de Xi Jinping -, qui mettrait en très grand danger l’Europe.
Fort de son succès de 2020, Joe Biden s’est présenté comme la meilleure arme contre Donald Trump et a aisément remporté les primaires démocrates. Mais sa candidature a été télescopée par son débat télévisé catastrophique du 27 juin. Face à un Donald Trump en pleine possession de ses moyens et plus cohérent qu’à l’accoutumée, mêlant sans vergogne le presque vrai et le tout à fait faux, Joe Biden est apparu absent, lent, hésitant, inaudible. Luttant visiblement non seulement contre le temps, mais contre la maladie, il a justifié les doutes croissants sur sa capacité à exercer les fonctions de président des États-Unis.
La panique, depuis, a gagné le Parti démocrate et a été amplifiée par le déni dans lequel se sont murés Joe Biden, sa famille et son équipe. Au départ, les caciques du parti ont misé sur son retrait spontané, face aux sondages qui le donnent désormais systématiquement battu. Puis le désespoir s’est installé face à l’intransigeance du président, qui a maintenu sa candidature et ignoré tous les appels à la raison venant de son camp, des sénateurs et des gouverneurs à des personnalités comme Nancy Pelosi ou l’acteur George Clooney.
L’entêtement de Joe Biden fait non seulement le jeu de Donald Trump, mais met aussi en péril les candidats démocrates au Sénat et à la Chambre des représentants, créant le risque d’un basculement du Congrès entre les mains des Républicains. Alors qu’il se rêvait en Roosevelt du XXe siècle, Joe Biden ressemble de plus en plus à Lyndon Johnson, isolé face à son parti, aux médias, aux donateurs qui se dérobent, aux Américains qui s’inquiètent.
Il apparaît en effet que les proches et les collaborateurs du président ont délibérément caché son état de santé réel, alors qu’il souffre de sérieuses défaillances cognitives, qui s’aggravent rapidement. L’affirmation qu’il dispose de tous ses moyens est contredite par les procédures qui l’entourent et le protègent des contacts avec le monde extérieur, notamment de la presse, comme par le recours systématique aux téléprompteurs pour ses interventions. Elle a été de nouveau mise à mal par ses lapsus lors du sommet célébrant le 75e anniversaire de l’Otan. Après avoir salué Vladimir Poutine en tant que président de l’Ukraine au moment d’accueillir Volodymyr Zelensky, Joe Biden a en effet confondu au cours de la conférence de presse Donald Trump et Kamala Harris.
Le bilan de Joe Biden reste excellent, contrairement à celui de Donald Trump, plombé par sa gestion désastreuse de l’épidémie de Covid, par une politique étrangère erratique, par le fossé creusé avec les démocraties et par la dégradation de l’image de l’Amérique dans le monde. Joe Biden a permis aux États-Unis, grâce aux grands programmes publics symbolisés par l’IRA, de se réindustrialiser, de renouer avec des gains de productivité de 2,2 % par an, de reconstruire leur leadership dans l’innovation, de redevenir un refuge pour les capitaux et une terre d’élection pour les investissements. Il a stabilisé la classe moyenne. Il a réhabilité la puissance militaire et l’influence diplomatique de l’Amérique, mettant en place un endiguement efficace de la Chine, effectuant une démonstration de force et d’intelligence stratégique en Ukraine et au Moyen-Orient, rétablissant la crédibilité et le statut de l’Amérique auprès de ses alliés asiatiques et européens.
Un dirigeant n’est cependant jamais réélu sur son bilan, mais sur un projet et sur la confiance dans l’avenir. Dans une période de grands bouleversements ou des menaces existentielles pèsent sur les démocraties, la force et la crédibilité du leadership sont décisives. Pour les Américains, comme pour les citoyens des nations libres, se posent deux questions : Joe Biden est-il en situation de gagner face à Donald Trump ? Reste-t-il, à bientôt 82 ans, en état de présider les États-Unis quatre ans de plus dans un moment critique de l’histoire pour la survie de la liberté politique ?
Pour l’heure, la campagne présidentielle est écrasée par l’âge et les défaillances de Joe Biden, qui mettent Donald Trump en position de force. Et ce d’autant que la Cour suprême, le 1er juillet, a suspendu les poursuites qui le visent et lui a garanti une large immunité pour les actes commis en tant que président des États-Unis. Et ce d’autant qu’il est dopé par la tentative d’assassinat à laquelle il a miraculeusement échappé le 13 juillet lors d’un meeting en Pennsylvanie. La démocratie américaine se délégitime en fragilisant l’État de droit, en renouant avec ses démons violents et en corrompant le suffrage universel. Il se trouve réduit à ¬l’affrontement de deux gérontes et à un choix consternant entre le vice et le mensonge d’un côté, la maladie et le déni de l’autre.
Il ne fait par ailleurs aucun doute que Joe Biden, s’il devait être réélu, serait rattrapé par la fatalité des seconds mandats, qui a vu, outre les drames de Lyndon Johnson, miné par la guerre du Vietnam, ou de Richard Nixon, emporté par le scandale du Watergate, Ronald Reagan se perdre avec l’aide au contrat, Bill Clinton avec l’affaire Monica Lewinsky, George Bush avec la guerre enlisée d’Irak et le krach de 2008, Barack Obama avec l’oubli de la classe moyenne et la faiblesse tragique de sa politique étrangère face à l’État islamique et aux empires autoritaires. Une seconde Administration Biden serait rythmée par les demandes de bilan neurologique du président et par une interrogation permanente et lancinante sur la véritable identité des décideurs.
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Chronique parue dans Le Figaro du 15 juillet 2024