Le prochain gouvernement devra redresser les comptes publics s’il veut éviter la paupérisation du pays.
Avant la dissolution, l’économie française était malade, elle est désormais moribonde. L’activité est en panne, du fait de la suspension de toute décision dans l’État depuis mai et de l’arrêt des projets d’investissement et d’embauche des entreprises. L’immobilier, l’agriculture, le secteur financier – directement impacté par la hausse des taux et la déstabilisation de la dette publique – sont sinistrés. Les faillites affichent une hausse de 20 %. La remontée du chômage vers 8 % de la population active s’accélère. L’exil des capitaux, des entrepreneurs et des talents a repris. En bref, l’économie française se dirige droit vers la récession. Le chaos politique constitue aussi un accélérateur de la crise sociale par le ressentiment qu’il exacerbe.
Le changement le plus spectaculaire concerne les finances publiques. La France, alors qu’elle a aligné cinquante années de déficits et vu sa dette s’envoler de 20 à 110 % du PIB depuis 1980, a bénéficié d’une longue impunité de la part des marchés et de ses partenaires européens. Et ce pour trois raisons: sa stabilité politique ; sa dimension systémique pour la zone euro ; la capacité de l’État à prélever plus de 52 % du PIB chaque année. L’année 2024 marque une rupture majeure. La dette est devenue insoutenable dès lors que la croissance nominale est inférieure aux taux d’intérêt. Les recettes ne rentrent plus alors que les dépenses explosent. Les taux de la dette française se tendent, et l’écart se creuse entre l’OAT et le Bund allemand.
Or une hausse d’un point des taux sur la dette française coûte 2,5 milliards sur l’année en cours, mais 15 milliards à cinq ans et 30 milliards à dix ans.
Le regard porté sur la France par le monde extérieur s’est ainsi radicalement transformé avec la dissolution. L’impunité a fait place au soupçon. Notre pays est perçu comme un risque pour luimême comme pour la zone euro. La dette française est placée sous surveillance. Les agences de notation ont indiqué qu’elles dégraderaient la signature française, ce qui implique une hausse des taux, si le redressement des comptes n’est pas engagé dès cette année. Les marchés appliquent une prime de risque avec l’Allemagne inédite depuis le début des années 2010.
La France se voit ainsi rattrapée par l’implosion de son modèle de décroissance à crédit. Elle court droit à une tourmente financière majeure. Sa dette souveraine est d’autant plus vulnérable qu’elle est détenue à 55 % par des investisseurs étrangers. Par ailleurs, les entreprises sont également surendettées à hauteur de 155 % du PIB. Et le CAC 40 dépend de l’étranger à hauteur de 40 % de sa capitalisation. Or la Grèce d’Alexis Tsipras, l’Italie de Silvio Berlusconi puis le Portugal d’Antonio Costa ont montré à la fois que l’euro n’était pas une protection absolue et qu’à la fin les marchés l’emportaient toujours. En cherchant à maintenir son modèle d’économie administrée et en faisant le choix de la dette contre la production, la France a décroché en s’excluant du cycle de la mondialisation.
Si elle devait refuser de s’adapter à la nouvelle ère inaugurée par l’invasion de l’Ukraine, elle ne s’exposerait pas seulement à une violente crise financière, mais prendrait le risque de sortir des dix premières puissances économiques du monde. Elle deviendrait l’Argentine de l’Europe ; l’Argentine qui a payé au prix fort son basculement dans le populisme en se voyant ravalée depuis 1950 de la 9e à la 26e place des économies mondiales tandis que la richesse par habitant chutait du 12e au 70e rang.
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Chronique parue dans Le Point du 18 juillet 2024