Immigration : l’Europe face à un choix existentiel
La stratégie de blocus de Meloni et du Royaume-Uni a échoué. À l’inverse, le Danemark a réussi à maîtriser les entrées.
L a crise de Lampedusa, qui a vu débarquer en trois jours 11 000 migrants sur une île de 6 500 habitants, a remis l’immigration au cœur du débat européen. À neuf mois d’élections décisives pour l’avenir de l’Union, elle symbolise l’impuissance des institutions européennes et fournit un formidable argument de campagne à l’extrême droite.
La panique a gagné les gouvernants. Giorgia Meloni, confrontée à l’échec de l’état d’urgence puisque 126 000 migrants ont débarqué en Italie au cours du premier semestre, contre 68 200 en 2022, a décrété que les migrants déboutés du droit d’asile devront verser une caution de 5 000 euros sous peine d’être envoyés en centres de rétention durant dix-huit mois. L’Allemagne a suspendu l’accueil de demandeurs d’asile en provenance d’Italie, tandis que la France, par la voix de Gérald Darmanin, a indiqué refuser tout migrant en provenance de Lampedusa et envoyé des renforts à la frontière italienne. Ursula von der Leyen, depuis Lampedusa, a annoncé un plan d’urgence anticipant le nouveau pacte pour l’immigration dont l’adoption reste bloquée au Parlement européen.
Dans le même temps, le pape François a dénoncé à Marseille le « fanatisme de l’indifférence » et appelé à substituer l’hospitalité et la solidarité à la peur. Il a souligné la responsabilité de l’Europe et critiqué la rigidité du modèle fran-çais, accusé de ne pas tenir compte des différences et de provoquer « la ghettoïsation, l’hostilité et l’intolérance ».
Le choc est frontal entre la position morale du pape, qui va au-delà de ses prédécesseurs en défendant un droit inconditionnel à la migration, et le désarroi des dirigeants politiques, écartelés entre les principes humanitaires et la réalité de vagues migratoires insoutenables pour l’Europe. L’immigration ne touche en effet que 4 % de la population mondiale mais accélère fortement. L’Afrique en est le symbole : la population augmentera de 800 millions à 2,5 milliards d’habitants d’ici à 2050 et le continent connaît un retour en force des guerres et des coups d’État, alors que son décollage patine. L’Europe se situe en première ligne face à des flux migratoires qui explosent depuis la sortie de l’épidémie de Covid. En 2022, elle a ainsi enregistré 962 000 demandes d’asile, dont moins du tiers sont fondées.
Les leçons doivent être tirées des expériences nationales. La stratégie du blocus vantée par Meloni comme le Brexit ont débouché sur des échecs patents avec un nombre record d’arrivées en Italie comme au Royaume-Uni. À l’inverse, le Danemark a montré qu’il était possible de reprendre le contrôle de l’immigration en maîtrisant les entrées – en baisse de 28 % depuis 2014 – tout en réalisant l’intégration dans le strict respect de l’État de droit, ce qui a permis de ramener l’extrême droite de 21,1 % à 2,6 % des voix depuis 2015.
La mobilité des hommes est inhérente à l’histoire universelle. Mais une immigration incontrôlée, indissociable de l’échec de l’intégration, constitue un péril majeur pour la pérennité des États providences, pour le maintien de la culture et des modes de vie européens, pour la stabilité et la sécurité de nos démocraties.
Il n’est pas de politique crédible de l’immigration qui ne passe par l’Europe, même si l’intégration reste nationale. La priorité absolue consiste à reprendre le contrôle des frontières extérieures de l’Union. Cela implique la mise en place d’un dispositif intégré de surveillance et d’intervention en Méditerranée, ainsi que la transformation de Frontex en une véritable police des frontières… … continentale et non pas en un organisme d’accueil des migrants.
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Chronique du 28 septembre 2023