La crise climatique ne peut plus se contenter de mesurettes. Face au dérèglement et à la surchauffe, la France doit miser sur l’innovation.
En juillet 2023, la planète a connu le mois le plus chaud jamais enregistré, conduisant Antonio Guterres, secrétaire général de l’ONU, à déclarer que « l’ère du réchauffement climatique est terminée, place à l’ère de l’ébullition mondiale ». De fait, la crise climatique ne permettra pas de retour à la normale. La dynamique du réchauffement conduit, dans le scénario médian, à une augmentation de 4,5 °C de la température de la planète en 2100, contre un objectif de 1,5 °C fixé par l’accord de Paris.
L’Europe et la France sont particulièrement touchées et se réchauffent plus vite que le reste du monde. Elles sont frappées par des vagues de chaleur, des sécheresses et des incendies inédits qui soulignent la vulnérabilité des États, des entreprises et des individus. L’an dernier, l’extrême chaleur a provoqué plus de 60 000 décès sur notre continent ainsi que la perte de milliards d’heures de travail. Les coûts économiques et sociaux explosent, notamment dans les secteurs de la construction, du transport, de l’énergie et de l’agriculture. À terme rapproché apparaîtront des problèmes majeurs d’habitabilité du territoire du fait de la sécheresse, de la pénurie des ressources en eau, de la hausse du niveau des océans.
L’Europe et la France génèrent respectivement 7 % et 1 % des émissions de gaz à effet de serre, contre 26 % pour la Chine, 12,5 % pour les États-Unis et 7,1 % pour l’Inde. Il ne fait donc pas de doute que l’enjeu central de la réduction des émissions se situe dans les États du Sud, notamment à travers l’indispensable sortie du charbon. Pour autant, la France doit relever deux défis fondamentaux : devenir un laboratoire pour les technologies de lutte contre le réchauffement, qui pourront être exportées et déployées dans les pays émergents, et engager son adaptation à l’augmentation des températures. Et le faire très vite.
Or la transition écologique est très mal partie dans notre pays. Elle repose sur une logique malthusienne de décroissance. Elle s’en remet à un pilotage étatique, avec pour instruments principaux la réglementation et la fiscalité. Elle fixe des objectifs et des calendriers très ambitieux sans évaluation de leur impact économique et social ni étude des moyens pour les réaliser. Le contraste est total avec les politiques de l’offre mises en œuvre par la Chine et, dans une moindre mesure, par l’Inde, qui entendent prendre le leadership des technologies et cherchent à contrôler les matières premières indispensables à la transition.
De leur côté, les États-Unis ont fait de l’Inflation Reduction Act (IRA) une arme redoutablement efficace pour mettre la transition climatique au service de la relocalisation des activités industrielles et des emplois avec pour objectif de stabiliser la classe moyenne, socle de la démocratie. Le Royaume-Uni réoriente également sa stratégie climatique du côté de la production et de l’innovation, notamment pour la captation et le stockage du carbone en mer du Nord.
La stratégie de transition écologique de la France doit dès lors être repensée pour répondre à l’urgence tout en servant la réindustrialisation – plus d’un tiers de l’empreinte carbone découlant des importations -, en préservant des finances publiques exsangues, en assurant son acceptabilité politique et sociale. Elle doit redonner un rôle central aux entreprises, seules à pouvoir porter les innovations nécessaires, faire accepter les changements sociaux et financer les investissements requis à hauteur de 70 milliards d’euros d’investissement par an, soit plus de 2 % du PIB.
L’énergie constitue le cœur de la transition écologique. Elle implique le doublement de la production d’électricité à l’horizon 2050 mais aussi sa flexibilité, ce qui impose de privilégier le nucléaire et l’hydroélectricité. D’où la nécessité d’effectuer le sauvetage d’EDF, qui est endettée à hauteur de 65 milliards d’euros et se trouve confrontée à un mur d’investissements (50 milliards pour le grand carénage du parc nucléaire existant, 60 milliards pour la construction de six EPR, 50 milliards pour le cycle du combustible), en lui garantissant des prix à long terme sur le modèle de la centrale Hinkley Point.
La disponibilité d’une électricité abondante, décarbonée et accessible constitue la condition préalable pour concilier réindustrialisation et transition climatique en décarbonant les sites les plus polluants grâce au passage à l’électricité et, demain, à l’hydrogène. L’accélération de la rénovation du parc de logements a vocation à être réarticulée autour des technologies européennes, ce qui implique la création d’une filière de professionnels fiables et labellisés. De même, il est indispensable de repenser la transition de l’agriculture en intégrant son rôle dans la capture du carbone – qui invite à réinvestir dans les forêts – en privilégiant l’innovation, notamment des cultures de précision, et en la conciliant avec l’impératif de la souveraineté alimentaire.
Au sein du secteur des transports, responsables de 31 % des émissions, la priorité doit aller à l’adaptation de la route, qui assure 87 % des transports de voyageurs et 88 % de ceux de fret, avec des possibilités de report modal très réduites en raison de la taille et de la diversité du territoire français comme des contraintes et des coûts propres aux réseaux ferroviaires. La décarbonation de la route (infrastructures pour les véhicules décarbonés, innovations pour fluidifier le trafic, résilience des infrastructures et intégration dans le milieu naturel, production d’énergie verte…) peut être engagée sans délai par la prolongation de la durée des concessions autoroutières. Le développement du ferroviaire doit être réservé à ses domaines de pertinence par la réhabilitation du réseau et le recours à l’hydrogène, solution idéale également pour les navires. Enfin, il convient d’abandonner l’absurde répression du transport aérien au profit de l’incitation à utiliser les carburants propres.
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Chronique du 7 août 2023