Emmanuel Macron paraît isolé, recroquevillé sur lui-même et sur son premier cercle. Un divorce d’avec la réalité ?
Le remaniement a minima du gouvernement, l’allocution d’Emmanuel Macron en prélude au Conseil des ministres puis son interview depuis la Nouvelle-Calédonie sont à l’image d’un quinquennat mort-né. Ils marquent une spectaculaire accélération de la déconstruction des institutions et actent l’enfermement du président dans le déni, faute de disposer de la moindre solution à la crise existentielle de la France.
Au terme de cent jours dont le bilan se réduit aux dramatiques émeutes qui ont embrasé quelque 500 villes sur l’ensemble du territoire, la confusion et le flottement n’ont jamais été aussi présents à la tête de l’État. Le remaniement se limite à la promotion de proches du président. Il acte le rétrécissement de sa base politique mais révèle aussi la vraie nature du macronisme, à savoir la prise du pouvoir par une coterie d’aventuriers à la faveur de la défaillance de François Hollande et de François Fillon, puis à sa conservation grâce au coup de dés de la guerre en Ukraine.
La méthode est stupéfiante, qui a vu la Première ministre reconduite par voie de presse puis les ministres entrants ou sortants égrener leur départ ou leur nomination. Elle témoigne du mépris d’Emmanuel Macron pour les institutions dont il est censé être le garant. On ne voit plus, aujourd’hui, ni président, ni gouvernement, ni majorité, ni parti, mais une galaxie d’autoentrepreneurs pour lesquels la communication semble tout et le sens de l’État rien, le destin personnel tout et le bien commun rien.
Climat de guerre civile
Les interventions d’Emmanuel Macron ne sont pas moins déstructurées que son mode d’exercice du pouvoir. Les mots ont non seulement divorcé d’avec la réalité mais ils s’y sont substitués. L’efficacité du gouvernement a été saluée et le rétablissement de l’ordre républicain célébré, alors que les stigmates des émeutes témoignent de la sortie de toute limite de la violence, que la police entre en rébellion et que s’installe un climat de guerre civile qui donne raison à la prédiction de Gérard Collomb.
Le satisfecit sur le progrès des services publics est démenti par le limogeage des ministres de l’Éducation, de la Santé et du Logement, conséquence de l’effondrement de ces trois biens essentiels pour la vie quotidienne des Français. L’appel à remettre en ordre les finances publiques à partir de l’automne est dénué de toute crédibilité venant d’un président qui porte la responsabilité de 700 des 3 000 milliards d’euros de dette publique et qui n’a cessé d’annoncer des dépenses nouvelles tout au long des « Cent jours » qu’il avait décrétés.
Le constat est sans appel : Emmanuel Macron a désormais rejoint Donald Trump en quittant le monde réel pour s’installer dans l’univers des vérités alternatives. Mais les faits sont têtus et la logorrhée présidentielle ne les dissout pas. Que nous montrent-ils ?
Emmanuel Macron a désormais rejoint Donald Trump en quittant le monde réel pour s’installer dans l’univers des vérités alternatives.
La France fait exception parmi les démocraties en ayant enchaîné depuis 2017 trois crises sociales majeures – le mouvement des Gilets jaunes, les protestations contre la réforme des retraites et les émeutes urbaines -, qui témoignent de la désespérance de la France périphérique, de la paupérisation de la classe moyenne et de l’anomie de pans entiers de la population et du territoire qui vivent dans une contre-société régie par la loi des trafiquants et du communautarisme. Le modèle économique de décroissance à crédit est insoutenable, qui allie croissance nulle, baisse de la productivité, chômage de masse, décrochage de la richesse par habitant et montée de la pauvreté, qui touche plus de 9 millions de personnes. L’économie française affiche désormais le profil d’un pays émergent proche du défaut, avec un triple déficit des finances publiques (4,7 % du PIB), de la balance commerciale (7 %) et des comptes courants (2 % du PIB). L’État obèse et impotent accapare 58 % du PIB tout en étant incapable d’assurer les services de base concernant la sécurité, la justice, l’éducation, la santé ou les transports. L’image et la réputation de la France en Europe et dans le monde connaissent une dégradation sans précédent depuis la fin de la IVe République.
« Une idée sans exécution est un songe », rappelait le duc de Saint-Simon. Les songes d’Emmanuel Macron créent un vide politique, qui laisse le champ libre à quatre risques majeurs. Les Jeux olympiques de 2024, qui ne sont pas ceux de Paris mais de la Seine-Saint-Denis, haut lieu des émeutes, menacent de tourner au fiasco avec l’accumulation des retards en matière d’équipements, de transport, de sécurité, de reprise en main de la capitale, insalubre et dangereuse, en même temps que les coûts explosent pour approcher 10 milliards d’euros. Avec une dette publique de plus de 3 000 milliards d’euros et en l’absence de politique de rigueur assumée, la France court droit à la crise financière lorsque les taux d’intérêt réels deviendront positifs. La montée aux extrêmes de la violence et la perte de contrôle de l’ordre public mettent directement en péril la démocratie, la sécurité étant le premier des droits de l’homme et la condition de la liberté. Enfin, le renoncement devant la désintégration de l’État et de la République prépare méthodiquement l’arrivée au pouvoir de l’extrême droite.
Revenir à l’esprit de la Ve République
La France n’a jamais été en aussi grand danger depuis les années 1930, prise en étau entre l’enchaînement des chocs sanitaire, énergétique, alimentaire, financier, géopolitique et climatique d’une part, l’absence de tout cap politique et la paralysie de l’État, d’autre part. Un sursaut reste possible, car notre pays continue à disposer de formidables atouts : capital humain, épargne, pôles d’excellence, infrastructures, culture, civilisation et langue. Mais à quatre conditions. Faire du redressement de la France, comme en 1958, une priorité absolue avant de prétendre donner des leçons à l’Europe ou au monde. Concentrer l’action des pouvoirs publics sur quelques priorités : la production et l’innovation ; l’éducation et la connaissance ; l’intégration, qui suppose la régulation stricte de l’immigration ; la sécurité. Revenir à l’esprit de la Ve République, régime conçu pour affronter les tempêtes, qui repose sur un président qui préside et ne gouverne pas, un gouvernement qui conduit la politique de la nation, un Parlement qui contrôle et débat, une autorité judiciaire qui assure le respect de l’État de droit et garantit la paix civile. Rassembler les Français autour de la reconstruction de la nation.
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Chronique du 27 juillet 2023