Si la plupart des démocraties connaissent des mouvements de protestation et des épisodes violents, la France fait exception par la multiplication des mouvements et la perte de contrôle de l’ordre public par l’État.
Le bilan de la vague de violences urbaines qui a parcouru la France depuis la mort tragique du jeune Nahel, à Nanterre, dépasse celui des émeutes de 2005 et défie l’entendement. Cette flambée de violence marque une incontestable accélération dans le processus de désintégration de la nation française. La violence est sortie de toute limite, qu’elle vise les biens ou concerne les personnes. Elle n’est pas limitée aux quartiers dits prioritaires, mais contamine tout le territoire. Elle s’attaque en priorité à l’autorité de l’État, à travers les bâtiments et les agents publics, et aux symboles de la consommation, à travers le pillage des magasins ou des agences des banques et des assurances.
Si la plupart des démocraties connaissent des mouvements de protestation et des épisodes violents, à commencer par les États-Unis, écartelés entre les militants de Black Lives Matter et les insurgés qui prirent d’assaut le Capitole, le 6 janvier 2021, la France fait exception par la multiplication des mouvements et la perte de contrôle de l’ordre public par l’État.
Depuis 2015, en effet, se sont succédé quatre mouvements, qui ont installé un climat de guerre civile de moins en moins froide. La vague d’attentats islamistes a ouvert la voie à la déstabilisation des institutions et des valeurs de la République par une partie de la communauté musulmane. Les « gilets jaunes » ont montré le dépérissement et le sentiment d’abandon de la France périphérique. La protestation démesurée contre la réforme des retraites a exprimé l’anxiété de la classe moyenne devant sa paupérisation. Enfin, le soulèvement des banlieues a souligné l’anomie de pans entiers du territoire et de la population, qui vit dans une contre-société gouvernée non par les lois de la République, mais par celles du trafic de drogue et des communautés.
La diversité de ces révoltes et de ces colères prouve que leur origine n’est pas à chercher dans un racisme systémique de la société ou de l’État. Les véritables raisons sont à trouver dans l’accélération du décrochage de la France, devenue l’homme malade de l’Europe. Faillite économique avec une croissance nulle et des gains de productivité en diminution, annonçant la sortie des dix premières puissances économiques mondiales avant la fin de la décennie. Faillite sociale, avec une richesse par habitant inférieure de 15 % à celle de l’Allemagne, un chômage de masse et une pauvreté touchant plus de 9 millions de personnes. Faillite financière, avec une dette publique qui a dépassé 3 000 milliards d’euros, redoublée par une dette privée de 146 % du PIB ainsi qu’une balance commerciale déficitaire de 7 % du PIB. Faillite civique, avec un État-providence qui a détruit la citoyenneté – les revenus de 70 % des Français dépendant de manière critique des aides sociales – , la sécession d’une immigration incontrôlée, une jeunesse ayant pour seul repère les réseaux sociaux. Faillite politique d’un État obèse et impotent, qui monopolise 58 % du PIB tout en étant incapable de remplir sa mission première de maintien de la sécurité comme d’assurer les services essentiels dans les domaines de l’éducation, de la santé ou des transports. Faillite morale liée à la dynamique de la haine, de la violence et de la peur, qui alimente la défiance des citoyens envers la démocratie et prépare l’arrivée au pouvoir de l’extrême droite.
Face à la gravité de la situation, on reste saisi par le renoncement des dirigeants français à se saisir de la crise existentielle que traverse notre pays, ce qui nous ramène aux années 1930. Plus la violence monte aux extrêmes, plus la société se délite, plus la nation éclate, plus les menaces intérieures et extérieures se renforcent, plus tout continue comme avant. Face à l’embrasement, Emmanuel Macron s’est contenté de déclarer : « Il faut d’abord qualifier les événements avant d’en tirer des conclusions », puis d’organiser une cellule de soutien psychologique pour les maires à l’Élysée. Bruno Le Maire a reporté, au mépris du droit, le coût des émeutes sur les assureurs et a annoncé la prolongation des soldes ou le report des charges pour des magasins incendiés et pillés. Jamais la déconnexion de la politique avec la réalité n’a été si complète et si visible.
Le temps n’est plus à la prise de conscience, mais à la mobilisation et à l’action. L’ensauvagement de la société et la descente en vrille de notre pays appellent un sursaut national. Nous devons acter que le modèle français de la décroissance par la dette n’est plus soutenable. Nous devons nous fixer quelques priorités très claires : la production et l’innovation au lieu de la seule consommation ; l’investissement massif dans l’éducation ; la relance de l’intégration, car il est inutile d’investir dans les pierres si l’on n’accorde pas d’attention aux hommes, mais aussi en régulant strictement l’immigration ; le rétablissement de l’ordre public, condition du développement comme de la liberté ; le recentrage de l’État sur ses missions régaliennes, qui doit avoir pour pendant une puissante décentralisation ; la garantie de la sécurité nationale face aux menaces des empires autoritaires et des djihadistes.
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Chronique parue le 10 juillet 2023