Moscou bloque les exportations de Kiev par la mer Noire. L’explosion du barrage de Kakhovka sur le Dniepr, le 5 juin, marque un nouveau tournant dans la guerre d’Ukraine. Tout indique que la Russie qui contrôlait l’installation est responsable de sa destruction.
En s’attaquant à une infrastructure essentielle et en dévastant une partie significative du territoire ukrainien qu’elle prétend contrôler, la Russie abolit une nouvelle limite dans l’utilisation de la violence, mais témoigne aussi de ses doutes sur sa capacité à contrer l’offensive de Kiev.
Dans la guerre d’Ukraine, l’heure est donc moins que jamais à la diplomatie et plus que jamais à l’escalade militaire.
Escalade opérationnelle avec la destruction du barrage de Kakhovka qui répond aux incursions de la légion russe dans la région de Belgorod et aux frappes de drones sur Moscou. Escalade technologique avec la livraison de blindés modernes, de missiles à longue portée Storm Shadow et d’avions F-16 à l’Ukraine, tandis que la Russie multiplie les achats d’armement à l’Iran, notamment 2 400 drones Shahed, à la Corée du Nord ou à l’Afrique du Sud.
Escalade géographique avec l’annexion par la Russie de la Biélorussie où vont être déployées des armes nucléaires tactiques.
La guerre d’Ukraine s’affirme ainsi comme le laboratoire des conflits du XXIe siècle, tout comme la guerre d’Espagne servit de banc d’essai à la Seconde Guerre mondiale.
La guerre devient un régime permanent. Elle s’inscrit dans un temps long et déborde du cadre dans lequel les Occidentaux ont tenté de la maintenir. L’attrition ne touche pas seulement les armées aux prises mais la résilience comparée de la population russe face aux sanctions d’une part, des citoyens des démocraties face aux chocs en chaîne d’autre part.
Les États-Unis et l’Europe doivent tirer les enseignements de cette nouvelle donne. L’issue de la guerre d’Ukraine jouera un rôle déterminant dans le destin de la démocratie au XXIe siècle.
Contrairement à l’Afghanistan, à la Syrie, à l’Irak ou au Sahel, elle ne peut être perdue. L’agression russe doit être contrée et sanctionnée, sauf à mettre en très grand danger la souveraineté et la liberté de l’Europe. Mais les espoirs placés dans une percée rapide et décisive de l’Ukraine sont sans doute excessifs, tout comme la capacité de résistance de l’armée et de la société russes sont sous-estimées. Nous devons nous préparer à un conflit très long et difficile. Sous l’escalade de la guerre d’Ukraine pointe l’accélération de la confrontation entre démocraties et empires autoritaires, comme le montre la multiplication des incidents maritimes et aériens en mer de Chine, et la montée des tensions autour de Taïwan. La violence s’émancipe de toute limite et la guerre progresse sur tous les continents. La mondialisation se fragmente en blocs commerciaux, normatifs, financiers, monétaires, à l’image de la stratégie de dédollarisation lancée par la Chine qui s’étend désormais au Moyen-Orient et en Amérique latine.
Dans cet affrontement global, il est vital de construire une nouvelle alliance entre les démocraties d’Amérique du Nord, d’Europe et d’Asie, mais aussi de veiller à ne pas perdre le Sud, qui rallie de plus en plus les empires autoritaires par haine de l’Occident et détestation du passé colonial. Dans cette perspective, il convient de ne pas laisser la Chine s’arroger le monopole de la paix et de proposer un plan des démocraties pour le règlement du conflit, reposant sur la souveraineté de l’Ukraine, le retrait des troupes russes, la garantie de la sécurité en Europe.
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Chronique parue le 12 juin 2023