Les prochaines élections législatives s’annoncent comme un référendum sur le Premier ministre socialiste, Pedro Sanchez.
En Espagne, les élections régionales et municipales se sont conclues par une cinglante défaite du PSOE, le Parti socialiste. Il perd six régions ainsi que plusieurs grandes villes et se trouve distancé de plus de 7 points par les conservateurs du Parti populaire, tandis que Vox, le parti d’extrême droite, recueille 7,5 % des suffrages.
Au lendemain de cette déroute qui doit beaucoup à sa volonté de nationaliser le scrutin, le Premier ministre, Pedro Sanchez, a décidé contre toute attente de dissoudre le Parlement et d’organiser des élections législatives anticipées le 23 juillet prochain, au beau milieu de la présidence espagnole de l’Union européenne. Rien n’est joué, mais la droite aborde cette échéance en position de force du fait de l’impopularité du président du gouvernement et de l’implosion de la coalition avec Podemos qui éclipsent le rebond de l’économie.
L’Espagne fait preuve d’une remarquable résilience face à l’enchaînement des chocs qui l’ont particulièrement touchée. En 2008, elle a été dévastée par l’éclatement de l’une des pires bulles immobilières et financières de l’histoire, qui a provoqué la chute du PIB de près de 10 % et l’envol du chômage jusqu’à 27 % de la population active. Puis la pandémie de Covid a entraîné une récession de 11,3 % du PIB en 2020, notamment du fait de l’effondrement du tourisme qui représente 12,5 % du PIB avec un recul du nombre de visiteurs de 80 à 20 millions. La crise énergétique et alimentaire déclenchée par l’invasion de l’Ukraine a engendré un pic d’inflation qui a atteint 10,8 % en juillet 2022. Simultanément, le pays subit depuis l’an dernier une sécheresse historique qui asphyxie 80 % des terres cultivées.
Un acteur central de la transition énergétique européenne
L’économie résiste à ces secousses, même si l’activité n’a pas retrouvé son niveau d’avant l’épidémie. La croissance a rebondi de 5,5 % en 2021 et 5,4 % en 2022 et devrait atteindre 2 % en 2023. L’inflation a été ramenée à 2,9 % et le chômage à 12,7 % des actifs, soit le niveau le plus faible depuis 2008, grâce à la création d’un million d’emplois depuis 2020.
Les exportations ont progressé de 23 % en 2022, bénéficiant de la maîtrise des prix de l’électricité en raison de la faible dépendance au gaz russe, de la possession de six terminaux de GNL et du dynamisme des énergies renouvelables qui assurent 47 % de la production d’électricité. L’Espagne, forte de l’exception ibérique, qui lui a permis de déconnecter les prix de l’électricité de ceux du gaz, comme de ses ressources en lithium et en terres rares, entend ainsi se positionner comme un acteur central de la transition énergétique européenne dans les secteurs clés de l’hydrogène vert, du véhicule électrique, du numérique ou de l’espace.
Pour autant, le rétablissement est lent et l’Espagne continue à souffrir des séquelles du terrible krach de 2008. L’économie informelle représente près de 20 % du PIB et un quart des emplois sont précaires. L’industrie demeure insuffisamment développée par rapport aux services dominés par des TPE-PME et l’agriculture est gravement menacée par le réchauffement climatique. Surtout le déficit et la dette publics s’élèvent à 4,8 % et 113,2 % du PIB à fin 2022, plombant la croissance potentielle.
L’ambitieux agenda social de Pedro Sanchez, qui a porté le salaire minimum de 736 à 1 200 euros brut, pénalisé les emplois précaires, instauré un revenu minimal vital, multiplié les aides pour les chômeurs, les familles et les jeunes, n’a été rendu possible que par une floraison de hausses d’impôts et de cotisations, notamment pour rééquilibrer le régime des retraites, et surtout par la manne européenne. L’Espagne a ainsi reçu 37 milliards d’euros au titre du plan NextGeneration EU dont, avec 140 milliards de subventions et de prêts, elle est le deuxième bénéficiaire après l’Italie.
La stabilisation de l’économie contraste avec la crise du système politique, qui n’a pas retrouvé d’ancrage depuis la fin du cycle de la transition démocratique, ouvert en 1976 et clos en 2014 avec la démission du roi Juan Carlos. La multiplication des scandales de corruption, l’affrontement mémoriel autour de la guerre civile, la crise institutionnelle et démocratique ouverte par le référendum sur l’indépendance de la Catalogne sont allés de pair avec l’affaiblissement du Parti populaire et du PSOE au profit de Podemos et de Ciudadanos, dont l’effondrement ouvre aujourd’hui un vaste espace à Vox.
Un test pour la stratégie d’union des droites
Les prochaines élections législatives se présentent comme un référendum sur Pedro Sanchez, qui a divisé jusqu’à son parti et son gouvernement avec ses concessions aux indépendantistes catalans, les réformes sociétales sur la légalisation de l’euthanasie, la facilitation du changement de sexe et le consentement sexuel – dont la rédaction erronée a entraîné la libération de dizaines de délinquants sexuels -, ou encore le revirement diplomatique sur le Sahara occidental avec l’alignement sur les positions du Maroc et la brouille avec l’Algérie qui assure 30 % de l’approvisionnement en gaz de l’Espagne. Elles seront aussi un test majeur pour la stratégie d’union des droites qui s’est déjà imposée en Italie ou en Suède, face à la fragile coalition des gauches modérée et radicale.
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Chronique du 10 juin 2023