La sécurité intérieure et extérieure reste la condition première de la liberté. Elle doit redevenir une priorité nationale en France.
La violence est une arme de destruction massive contre la démocratie. Elle est un cancer qui se propage en détruisant le développement économique, le lien social, la confiance dans l’État et dans les institutions.
Loin des illusions entretenues sur l’avènement de la démocratie de marché et la paix perpétuelle après l’effondrement de l’Union soviétique, la violence effectue un retour en force au XXIe siècle. Elle se traduit par l’ensauvagement du monde comme des sociétés démocratiques.
Au plan international, l’invasion de l’Ukraine entraîne le retour de la guerre de haute intensité en Europe, y compris sous la forme de la menace nucléaire, et voit la Russie cibler en priorité la population civile à la suite de ses revers militaires. La conflictualité gagne partout dans le monde, de l’Ukraine à Taïwan en passant par le Caucase, l’Asie centrale, le Moyen-Orient ou le Sahel, tandis que les institutions et les règles qui étaient destinées à limiter la violence sont démantelées ou ignorées.
La contamination de la violence n’est cependant pas le monopole des tyrannies du XXIe siècle, qui font de la politique la guerre poursuivie par d’autres moyens. Elle gagne aussi les démocraties. Le djihadisme s’appuie sur une violence radicale pour tenter d’amorcer une dynamique de guerre civile au sein des pays développés. La logique de la polarisation et de la radicalisation s’étend à tous les secteurs de la vie politique, économique et sociale, portée par les passions identitaires, par les fractures qui se creusent entre les classes sociales, les communautés, les générations et les territoires, par les réseaux sociaux enfin. Les États-Unis en sont exemplaires où le Capitole a été pris d’assaut par des partisans de Donald Trump en 2021 tandis que les armes à feu ont tué 1 million et demi de personnes depuis 1968 – soit plus que toutes les guerres conduites par le pays depuis le début du conflit pour l’indépendance en 1775.
Loin d’être épargnée, la France est fortement touchée par la propagation de la violence, qui contribue à la désintégration de la nation et à la déliquescence de la démocratie. Elle prend la forme d’une sortie de tout contrôle de la délinquance, marquée par une forte hausse des homicides, des atteintes contre les personnes (+12 %) ou des délits numériques (+35 %), par la multiplication des zones de non-droit – y compris au cœur de villes comme Paris, Marseille, Lyon, Nantes ou Grenoble -, par la montée des agressions contre les représentants de l’autorité, par des mouvements insurrectionnels du type des « gilets jaunes » ou des émeutes outre-mer. Elle change également de nature et d’intensité, jusqu’à devenir le principe d’une contre-société.
Dans le même temps, les performances de la police et de la justice s’effondrent. La chaîne pénale est paralysée par la dégradation de la justice dont l’extension sans fin des missions est allée de pair avec sa prolétarisation et avec la dérive de la magistrature qui s’est érigée en forteresse corporatiste, en rupture avec la classe politique et la société. La judiciarisation tue ainsi la justice, discréditée par le foisonnement des normes, la complexité des procédures, l’extension sans fin des délais (13 mois pour un jugement pénal) et l’inefficacité des sanctions (15,5 % des peines de prison ferme, soit plus de 87 000, restent en attente d’exécution).
Les conséquences sont dévastatrices. Les Français tirent toutes les conséquences de leur défiance fondée dans la police et la justice de leur pays. Certains renoncent à défendre leurs droits ; d’autres s’organisent pour assurer la sécurité, voire punir les délinquants par eux-mêmes à travers le développement de milices ou la conduite d’enquêtes, y compris via les réseaux sociaux ; d’autres enfin choisissent de s’exiler dans des pays où l’État de droit est plus efficace et respecté.
La sécurité intérieure et extérieure reste la condition première de la liberté. Elle doit redevenir une priorité nationale en France. Cela implique de réinvestir dans la défense pour faire face aux menaces existentielles que les empires autoritaires et les djihadistes font peser sur notre territoire et notre population. Cela suppose avant tout de rétablir la paix civile. La sécurité relève d’une stratégie globale et cohérente, aux antipodes du « en même temps » qui place sur le même plan les auteurs de la violence et leurs victimes. La réponse comporte une dimension sécuritaire, avec un plan de réorganisation et de modernisation des forces de police et de gendarmerie. Elle doit être articulée à une refonte complète de la chaîne pénale, liant embauches de magistrats et de greffiers, investissements informatiques, simplification des procédures et construction de places de prison. Mais elle passe surtout par l’éducation des citoyens et par la responsabilité des élus, qui ne peuvent en aucun cas cautionner ou faire l’apologie de la violence.
(Chronique parue dans Le Figaro du 21 novembre 2022)