La stratégie de la Chine forteresse s’inscrit dans une logique de confrontation avec l’Occident.
Le 20e congrès du Parti communiste chinois s’est achevé par la consécration du pouvoir absolu de Xi Jinping, désormais secrétaire général à vie et appuyé par six fidèles au sein du comité permanent du bureau politique.
La concentration de tous les pouvoirs entre les mains de Xi Jinping est indissociable de son projet de transformer la Chine en une forteresse afin de conquérir le leadership mondial à l’horizon 2049, pour le centenaire de la République populaire. L’objectif consiste à construire un monde post-occidental, régi par les rapports de force, d’où la liberté et les droits de l’homme seront bannis. L’idéologie marxiste et la volonté impériale éclipsent l’économie.
La forteresse est d’abord économique. Alors que les « Quarante Glorieuses » de la Chine ont été portées par la mondialisation, Pékin accorde désormais une priorité absolue à la sécurité. L’épidémie de Covid et les confinements sans fin sont ainsi utilisés pour préparer la population à résister à des sanctions occidentales et à un conflit avec les États-Unis.
La forteresse est aussi commerciale, monétaire et financière. Le marché chinois se ferme aux entreprises étrangères, notamment dans l’automobile – grâce à la domination des constructeurs nationaux dans le véhicule électrique – et l’aéronautique. Simultanément, Pékin poursuit une stratégie de dédollarisation de son commerce extérieur avec la Russie, mais aussi le Moyen-Orient.
La forteresse est également politique et idéologique. L’épidémie de Covid a permis un renforcement du contrôle du parti communiste sur la société et les individus via la mise en place d’un Big Brother numérique, mais aussi la limitation des déplacements et l’interdiction des voyages à l’étranger. Le durcissement idéologique autour de la pensée de Xi, autoproclamée « marxisme de la Chine contemporaine et du XXIe siècle », et le retour en force du culte de la personnalité vont de pair avec le renforcement de la nature totalitaire du régime.
La forteresse est, enfin, militaire et stratégique, organisée autour de la rivalité avec les États-Unis et de la construction d’un ordre mondial structuré par des zones d’influence impériales. D’où la modernisation à marche forcée des forces armées et le renforcement de l’arsenal nucléaire. D’où la montée des menaces sur Taïwan, dont la négation de l’indépendance a été inscrite dans la Constitution et dont le blocus et l’invasion ont été simulés l’été dernier. D’où le partenariat stratégique noué avec la Russie de Vladimir Poutine et le soutien apporté à l’invasion de l’Ukraine.
D’où la promotion d’une internationale des autocrates et la poursuite de l’encerclement de l’Occident par la recherche d’une alliance avec le Sud global.
La stratégie de la Chine forteresse s’inscrit dans une logique de confrontation avec l’Occident qui assume pleinement le risque d’un affrontement armé avec les États-Unis. Le sacrifice de la croissance et la fermeture des frontières déstabilisent le contrat politique avec les classes moyennes, qui ne repose plus que sur l’hypernationalisme. La recherche de l’autarcie est indissociable d’une logique guerrière, qui s’incarne dans la référence permanente faite par Xi Jinping au combat.
À long terme, la transformation de la Chine en forteresse ne peut que conduire à son déclin, comme régulièrement dans son histoire. À court terme, elle crée une menace majeure pour la liberté politique. Face au durcissement du totalitarisme chinois et à ses ambitions impériales, les États-Unis ont défini et appliquent une stratégie d’endiguement claire, qui constitue l’un des rares points de convergence entre démocrates et républicains.
Cette stratégie devrait trouver son prolongement dans la création d’un conseil des démocraties de l’Atlantique et du Pacifique afin de cantonner l’expansionnisme chinois et de recréer un lien entre l’Ouest et le Sud, notamment autour de la gestion du réchauffement climatique. Mais l’Europe s’affirme comme le maillon faible face à Pékin. Et ce en raison de l’aveuglement de l’Allemagne, qui réédite les erreurs commises face à la Russie en cherchant à préserver à tout prix ses exportations vers la Chine, qui sont au cœur de son modèle mercantiliste. La visite d’Olaf Scholz à Pékin, sur fond d’augmentation des investissements allemands en Chine et de la prise de participation de 25 % dans un terminal de conteneurs du port de Hambourg par l’entreprise publique Cosco, relève d’une politique de l’apaisement vouée à l’échec, que Churchill définissait en ces termes : « La politique de l’apaisement revient à nourrir un crocodile en espérant qu’il vous mangera en dernier. »
(Chronique parue dans Le Figaro du 7 novembre 2022)