Le projet porté par Emmanuel Macron, sans être parfait, est ancré dans la réalité et répond aux urgences de la France.
L’élection présidentielle est moment où les Français choisissent non seulement un chef de l’État, garant des institutions et de la nation, mais décident aussi de leur destin et de celui de la France.
Or le déroulement du scrutin de 2022 échappe à cette logique. Le débat a été étouffé par la pandémie puis la guerre en Ukraine. Il s’est réduit à une succession de moments et de thèmes sans permettre d’engager la discussion sur l’avenir de la France. Le deuxième tour ne saurait se réduire à un référendum autour de l’âge de la retraite ou du pouvoir d’achat. Il doit être l’occasion de se prononcer sur un projet et non pas seulement sur un rejet. Et ce d’autant que l’environnement du prochain quinquennat sera encore plus agité et dur que celui qui s’achève.
Pour l’économie française, le ciseau entre la chute de la croissance et l’envolée des prix de l’énergie et de l’alimentation implique le retour vers une croissance de 1 %, voire le basculement dans la stagflation si le conflit se prolonge. Le risque d’un choc financier est élevé du fait de l’inévitable hausse des taux d’intérêt déclenchée par l’inflation qui atteint désormais 7,5 % dans la zone euro. Sur le plan stratégique, la menace existentielle que la Russie fait peser sur le continent impose un réarmement rapide.
Rarement depuis 1945, les défis que doit relever notre pays auront été aussi nombreux et difficiles. La transformation du modèle économique et social fondé sur une consommation financée par les transferts sociaux, désormais insoutenable comme le montre la dérive de la dette publique qui atteint 112,9 % du PIB et du déficit extérieur qui culmine à 85 milliards d’euros. Le réalignement entre la partie du secteur privé qui est compétitive et un État dont la qualité des services publics de base – éducation, santé, police, justice – se dégrade alors qu’il absorbe 56 % du PIB. La recherche d’une croissance inclusive et écologique, permettant de réduire les inégalités grâce à l’éducation et au plein-emploi, d’intégrer les jeunes et d’accélérer la décarbonation de l’économie.
La reconquête de la souveraineté en matière industrielle, agricole, technologique et financière.
Le rétablissement de la capacité de l’État à assurer la sécurité intérieure et extérieure, première condition de la liberté.
La France aborde cette nouvelle donne à haut risque avec le passif de quatre décennies de lent décrochage. Elle continue cependant à disposer d’atouts majeurs : ses talents et ses cerveaux, sa French Tech, ses pôles d’excellence, ses institutions financières, son énergie décarbonée, une défense et une diplomatie à moderniser mais crédibles.
Les Français ne peuvent s’en remettre à la peur ou à la colère et doivent faire leur choix en fonction des deux projets antagonistes qui leur sont soumis.
Le programme de Marine Le Pen, sous son apparente modération, reste dominé par la rupture avec l’économie de marché, l’Europe et les démocraties libérales. Il prévoit de l’ordre de 120 milliards d’euros de dépenses supplémentaires – dont 60 % tournées vers la redistribution – pour 7 milliards de recettes, ce qui promet une envolée du déficit autour de 7 % du PIB et donc de la dette publique. Le protectionnisme, la préférence nationale et l’affirmation de la supériorité du droit national sur le droit européen impliquent une sortie de l’Union et de l’euro qui reste cachée.
Avec à la clé une crise financière majeure et une chute du pouvoir d’achat d’au moins 20 % pour tous les Français.
La démocratie représentative serait annihilée par le contournement systématique du Parlement par le référendum. Enfin, la volonté de diverger avec l’Allemagne et de rapprocher l’Otan de la Russie sur les décombres de l’Ukraine affaiblirait dramatiquement les démocraties et compromettrait leur résistance face aux régimes autoritaires.
Le projet porté par Emmanuel Macron, sans être parfait, est ancré dans la réalité et répond aux urgences de l’heure. Sa ligne est juste qui permet de poursuivre la réforme progressive du modèle français, d’améliorer la qualité du travail et des emplois, de conforter la capacité de l’État et de la nation à affronter les chocs et les crises, d’affirmer la souveraineté de l’Europe et l’unité des démocraties. Il lui reste à réaffirmer clairement le choix des valeurs de la République et la priorité à la réforme de l’État. Surtout, Emmanuel Macron doit s’engager à modifier sa pratique des institutions et du pouvoir. Dans ces temps incertains et dangereux, la compétence et la capacité de leadership sont clés, mais il faudra présider avec les Français et non pas contre eux ou sans eux.
Voilà pourquoi le vote en faveur d’Emmanuel Macron le 24 avril s’impose comme le seul conforme à l’intérêt national.
(Chronique parue dans Le Figaro du 18 avril 2022)