Si l’attractivité du pays et la compétitivité de ses entreprises s’améliorent, le secteur public est plus cher et plus inefficace.
L’épidémie de Covid a montré que la résilience des nations face aux chocs du XXIe siècle dépendait du partenariat entre un État stratège et entrepreneur, d’une part, et des entreprises innovantes, d’autre part. La France a ainsi pris conscience de sa dépendance à la Chine pour la fourniture des biens essentiels et aux États-Unis pour la technologie, comme du déclassement de son industrie et de sa recherche, avec la déroute du secteur de la santé, incapable de mettre au point un vaccin contre le Covid, alors que l’ARN messager a été découvert par l’Institut Pasteur au début des années 1960. Avec la reprise se dessine cependant un réveil entrepreneurial, qui contraste avec l’effondrement du secteur public.
La pandémie a déclenché un véritable renouveau, en accélérant l’orientation des talents et des cerveaux vers l’entreprise et en renforçant le financement de l’innovation. En 2021 ont ainsi été créées 996 000 entreprises, soit une hausse de 17,4 %. La French Tech a levé l’an dernier 11,57 milliards d’euros avec 784 opérations, contre 5,4 milliards pour 620 opérations en 2020. Elle compte désormais 26 licornes dont la valorisation dépasse 1 milliard d’euros, à l’image de Qonto, néobanque des TPE et PME, ou de Back Market, spécialiste de la revente de produits électroniques reconditionnés, estimées à 4,4 et 5,1 milliards d’euros, auxquelles s’ajoute l’introduction en Bourse réussie d’OVHcloud sur Euronext.
Dans le même temps, le redressement de l’attractivité de la France se confirme. En janvier ont été annoncés 21 nouveaux projets d’investissements étrangers à hauteur de 4 milliards d’euros, impliquant la création de 13 000 emplois directs, après la réalisation de 22 projets portant sur 3,5 milliards en 2021. Au total, notre pays a ainsi accueilli 5 300 investissements étrangers depuis 2017, ce qui témoigne de l’amélioration de son image et de sa compétitivité.
Le dynamisme du secteur privé repose certes sur un effet de rattrapage après la récession historique de 2020 et se trouve amplifié par le déversement de liquidités émanant des plans de relance français et européens comme de la BCE. Mais ce sursaut résulte aussi de changements de fond. Tout d’abord, l’écosystème des start-up s’est notablement renforcé et professionnalisé, les jeunes à fort potentiel se tournent désormais vers la création d’entreprises plutôt que vers la haute fonction publique. Enfin, l’effort entrepris depuis la création du CICE et amplifié par Emmanuel Macron pour desserrer le carcan réglementaire et fiscal se révèle gagnant : les ordonnances travail et la réforme de l’assurance-chômage, la baisse de l’impôt sur les sociétés et des impôts de production, la pérennisation du crédit impôt recherche, le redressement de l’image de la France – très abîmée par le choc fiscal de 2012 – portent leurs fruits.
Tout autre est le tableau que présente le secteur public. L’effectif des trois fonctions publiques culmine à … 5,662 millions de fonctionnaires, soit 1,014 million de plus qu’en 1997. La hausse ressortit à 137 000 agents pour les trois premières années du quinquennat. Depuis 2017, les rémunérations de la fonction publique ont ainsi progressé de plus de 20 milliards d’euros – avant même les augmentations de 14 milliards d’euros au titre du Ségur de la Santé, 1 milliard pour les enseignants et 250 millions pour les catégories C.
Dans le même temps, l’efficacité de la dépense publique et les performances des services essentiels s’écroulent. La santé, qui absorbe 12,4 % du PIB, est confrontée à une crise systémique de l’hôpital, où 5 à 20 % des lits sont fermés en plein regain épidémique en raison d’un taux de vacance de 5 % des postes et d’un absentéisme de 10 %. Le système éducatif, qui se voit affecter 6,7 % du PIB, ne cesse de se dégrader, comme l’atteste le classement Pisa. Les violences explosent – notamment les agressions contre les personnes en hausse de 30 % depuis 2017 –, alors que les moyens de la police ont été accrus de 20 % au cours de la dernière décennie.
L’envolée de la dette publique, qui atteint 2 950 milliards d’euros et se trouve sur une trajectoire qui la conduira au-delà de 120 % du PIB en 2027, comme du déficit extérieur, qui dépassera 95 milliards d’euros, soit 3,7 % du PIB en 2022, témoigne du caractère insoutenable du modèle français de croissance à crédit, qui a été poussé à ses limites extrêmes par Emmanuel Macron. La chute du secteur public, qui pèse 61 % du PIB, est en effet nettement plus rapide que le renouveau entrepreneurial. La conclusion est claire. Le redressement de la France passe certes par la continuité des efforts engagés en faveur de la compétitivité des entreprises. Mais il ne peut réussir sans une modernisation radicale de l’État qui devrait être le cœur du débat présidentiel.
(Article paru dans Le Point du 27 janvier 2022)