Le nouveau plénum du PCC faire entrer le pays dans une « nouvelle ère », à l’image du numéro un chinois, Xi Jinping.
L’année 2022 semble placée sous le signe du triomphe absolu de Xi Jinping. Le XXe congrès du Parti communiste chinois devrait lui confier un troisième mandat présidentiel à l’automne 2022, en rupture avec les règles fixées par Deng Xiaoping pour interdire tout retour au pouvoir à vie. La résolution historique adoptée par le plenum de novembre 2021 consacre la pensée Xi, qui affirme la puissance de la Chine, après celle de Mao en 1945, qui marqua le retour à la souveraineté, et celle de Deng en 1981, qui ouvrit l’ère de la prospérité.
Le totalitarisme numérique, adossé au leadership dans la gestion des données, assure le contrôle de la société. L’épidémie de Covid se traduit par une envolée historique des exportations, notamment dans le matériel médical et l’informatique. Hongkong a été annexé et l’étau sur Taïwan se resserre. Enfin, la Chine débutera cette année en célébrant son statut de puissance mondiale à l’occasion des Jeux olympiques d’hiver de Pékin.
La réalité est cependant plus nuancée. Xi Jinping obtiendra un troisième mandat, mais il ne disposera pas de tous les pouvoirs. Et il devra nouer des compromis pour tenter de répondre aux difficultés qui s’accumulent.
Par ailleurs, les inquiétudes montent en Chine à propos de la fin des « quarante glorieuses » ainsi que de l’opposition et de la mobilisation internationales croissantes que suscitent les ambitions de puissance et la volonté d’expansion revendiquées par Xi Jinping.
Le défaut d’Evergrande, le 9 décembre 2021, suivi par celui de nombreux promoteurs, illustre la gravité de la crise du marché immobilier et du modèle de croissance fondé sur la dette.
L’immobilier représente 30 % du PIB et compte pour 40 % du patrimoine des ménages. Les prix ont été multipliés par 6 depuis 2002 et il faut près de 40 années de salaire moyen pour acheter un appartement dans des tours dont l’espérance de vie est de trente ans. Le secteur fait désormais face à 3 milliards de mètres carrés invendus et à une dette insoutenable de 4 700 milliards de dollars. Ceci crée un risque pour la stabilité financière et marque l’achèvement du cycle de l’hyper-croissance chinoise, porté par l’immobilier et les exportations de biens manufacturés.
Le krach immobilier amputera le patrimoine des ménages. Tout ceci réduira la consommation intérieure qui était censée prendre le relais de la demande extérieure. Sous les effets d’aubaine créés par l’épidémie de Covid, l’industrialisation à marche forcée se révèle incompatible avec l’objectif de la neutralité carbone en 2060, qui entraîne déjà une pénurie d’électricité. S’y ajoutent la reprise en main idéologique des entreprises et la multiplication des mesures réglementaires visant le secteur privé, de la technologie à l’enseignement privé en passant par la finance. La croissance, qui atteignait 10,4 % dans les années 2000 et 7,8 % dans les années 2010, plafonnera dès lors autour de 4 % entre 2025 et 2030.
L’agressivité diplomatique et militaire de la Chine a également provoqué un choc en retour. L’épidémie de Covid, dont l’origine continue à être masquée par Pékin, a achevé de démontrer que nul ne peut se fier aux dirigeants chinois. L’image internationale a été profondément dégradée par la répression des Ouïgours ou l’affaire Peng Shuai, qui débouchent sur un boycott partiel des Jeux olympiques d’hiver, comme par la normalisation de Hongkong au mépris des traités de restitution, par l’entreprise d’annexion de la mer de Chine du Sud ou par le traitement de choc appliqué à l’Australie. Les routes de la soie ont créé une dépendance à la dette qui provoque une révolte des créanciers de la Chine, à l’image des protestations au Pakistan, au Népal, en Éthiopie, en Zambie, en Grèce ou au Monténégro. Enfin, la montée en gamme technologique de l’Armée nationale populaire est impressionnante, mais son efficacité reste incertaine du fait de l’absence d’expérience du combat depuis l’échec cinglant subi face au Vietnam en 1979.
L’ouverture d’une confrontation globale avec les États-Unis, jugés en déclin du fait de l’enchaînement des guerres perdues depuis 2001, du krach de 2008, de la perte de contrôle de l’épidémie et de la crise de la démocratie américaine, a sans doute été prématurée.
Lors du sommet virtuel tenu avec Joe Biden le 15 novembre, Xi a usé d’un ton plus modéré en semblant inscrire le leadership chinois dans le temps long plutôt que dans un recours rapide à la force armée. Les risques de dérapage resteront cependant élevés, y compris sur le plan militaire, car Taïwan pourrait s’imposer comme l’enjeu central et la justification du troisième mandat.
La grande confrontation entre la Chine et les démocraties n’est pas jouée.
Elle sera sans doute tranchée, comme la guerre froide avec la désintégration de l’Union soviétique en 1989, par l’effondrement de l’un des protagonistes plus que par les armes, en raison de la dissuasion nucléaire. Tout autant que les États-Unis, la Chine souffre de contradictions majeures, mais elle croit dans son destin. Voilà pourquoi la riposte des démocraties passe certes par une stratégie globale de cantonnement, mais plus encore par leur reconstruction et leur réconciliation avec les valeurs de raison et de liberté qui firent leur succès.
(Chronique parue dans Le Figaro du 3 janvier 2022)