La première condition de la reprise, c’est de rompre avec la gangue de mensonge et de lâcheté qui étouffe la France.
L’épidémie de Covid-19 comporte une dimension universelle. Mais ses effets sont très divers. Elle dessine une nouvelle hiérarchie entre les nations en fonction de la capacité des États à répondre au choc mais aussi de la stratégie de sortie de crise.
La reprise sera en effet vigoureuse mais très hétérogène. Elle dépendra de trois facteurs : la reprise de contrôle de la situation sanitaire grâce à la vaccination ; le volume, la vitesse de déploiement et le contenu des plans de relance ; et la compétitivité de la nation.
La France apparaît en grand danger. La pandémie, qui a fait près de 90 000 morts et provoqué une récession historique de 8,3 % en 2020, a souligné sa fragilité. Notre pays est de même mal positionné pour la reprise. Son retard dans la vaccination ne cesse de se creuser avec l’injection de 3,1 millions de premières doses contre plus de 20 millions au Royaume-Uni et 54 millions aux États-Unis. L’immunité collective, atteinte à partir de la vaccination de 60 % de la population, ne sera pas obtenue avant la fin de l’été en France alors qu’elle interviendra dès avril aux États-Unis et au Royaume-Uni – où les infections régressent fortement -, en mai en Italie, en juin en Allemagne et en Espagne. Le plan de relance ne mobilise que 4 % du PIB, intègre 40 milliards d’euros de fonds européens qui ne seront pour l’essentiel versés qu’entre 2022 et 2024, comporte nombre de mesures clientélistes incompatibles avec une modernisation ambitieuse de l’appareil productif.
Le constat est sans appel. La France s’apprête à manquer le train de la reprise, tout comme dans les années 1980 et 1990 ou après le krach de 2008. Or ce nouvel échec se traduirait par son abaissement au rang d’un pays ne disposant plus de la maîtrise de son destin, dépendant des États-Unis pour la technologie, de la Chine pour la fourniture des biens essentiels, de l’Allemagne pour son financement.
L’enfermement dans la crise n’a rien de fatal et la France peut encore participer pleinement à la reprise. Mais cela suppose un changement radical de stratégie. Et ce autour de quatre priorités.
Il ne peut y avoir de reprise sans sécurité sanitaire. Une course de vitesse est engagée entre l’épidémie et la campagne de vaccination : la première accélère avec les variants quand la seconde est à l’arrêt. La première condition de la reprise porte donc sur le rattrapage du retard accumulé en matière de vaccination en réhabilitant le vaccin AstraZeneca qui a été invraisemblablement discrédité par les pouvoirs publics, en instituant une obligation de vaccination pour les soignants, en simplifiant et assouplissant les procédures et ordres de priorité kafkaïens. Au lieu de dépenser quoi qu’il en coûte, il faut vacciner à tout prix. Simultanément, il convient de travailler à la mise en place d’un passeport sanitaire numérique, seul à même de permettre la réouverture des secteurs sinistrés.
Le plan de relance mérite aussi d’être profondément revu, afin de le purger des quelque 40 milliards d’aides sociales déguisées mais aussi de mieux coordonner les mesures de soutien et les objectifs de moyen terme, aujourd’hui largement déconnectés. À défaut le rêve technocratique de l’économie idéale de 2030 risque fort de se fracasser sur la ruine des entreprises en 2021. La France gagnerait dans ce domaine à s’inspirer du travail engagé par Mario Draghi en Italie.
L’amélioration de la compétitivité, largement abandonnée depuis la pandémie – à l’exception de la baisse des impôts de production – , constitue plus que jamais un impératif. Elle passe par un effort sur tous les facteurs de production. Le travail, avec l’introduction d’une plus grande flexibilité, l’utilisation systématique du chômage partiel pour la formation, la mobilisation pour les jeunes afin d’éviter une génération perdue. L’épargne qui devrait être réorientée vers les entreprises grâce à une incitation fiscale simple et massive.
Le véritable moteur de la reprise demeure politique. Les Français ont besoin de renouer avec l’espoir et la confiance dans l’avenir, de se rassembler pour reconstruire le pays. Cela implique un changement radical d’esprit. Il est temps de rompre avec la logique, dictée par le principe de précaution, qui consiste à privilégier la fermeture de toutes les activités et des frontières avec l’illusion qu’elle sera neutralisée par le déversement de fonds publics financés par la dette. La priorité doit désormais aller à la réouverture en assurant la sécurité sanitaire ainsi qu’à la conclusion d’un nouveau pacte économique et social tourné vers la production et l’innovation. Au lieu d’infantiliser les Français et de chercher à les rassurer en masquant la situation critique du pays sous la dette, il convient de faire la vérité et de placer les citoyens devant leurs responsabilités. La première condition de la reprise, c’est de rompre avec la gangue de mensonge et de lâcheté qui étouffe la France.
(Chronique parue dans Le Figaro du 08 mars 2021)