Les défis actuels imposent à l’Union européenne d’agir, vite.
Rebond de la pandémie de Covid-19, pression des démocratures – chinoise, russe et, surtout, turque –, plan de relance à l’arrêt, menace terroriste… face à l’accélération des crises qui mettent en jeu sa survie, l’Union européenne freine.
La deuxième vague de l’épidémie de coronavirus souligne qu’aucune leçon n’a été tirée de la première : chaque État se reconfine, ferme ses frontières, établit ses propres règles sanitaires dans un parfait désordre et sans coordination. Alors que l’Europe bascule dans une seconde récession, le plan de relance est pris sous les feux croisés des critiques des pays frugaux et des interminables discussions avec le Parlement européen autour du budget pour 2021-2027. Enfin, la tentation monte de tout attendre de la défaite de Donald Trump et de l’élection de Joe Biden – l’illusion de voir renaître l’Amérique de 1945, son leadership bienveillant et sa garantie de sécurité justifiant le report de toute affirmation de l’autonomie de l’Europe. Face à l’épidémie, l’Union n’est certes pas compétente en matière de santé, mais elle peut jouer un rôle décisif en finançant les recherches et l’achat de tests, de traitements et de vaccins. Surtout, il lui revient d’harmoniser les règles applicables aux déplacements, au moins au sein de l’espace Schengen.
Face à la rechute dans la récession, la BCE doit très rapidement étendre ses programmes de rachats d’actifs et de soutien des banques, tout en faisant part de sa préoccupation devant l’évolution des taux de change et de sa volonté d’éviter toute surévaluation durable de l’euro. Il est par ailleurs vital d’endiguer le risque d’enfermement dans la dépression. Ceci implique de poursuivre en 2021 le soutien budgétaire à l’activité de la zone euro au même niveau qu’en 2020, soit environ 5 % du PIB des Vingt-Sept. Pour cela, il est indispensable de dépenser les fonds du plan de relance européen vite et bien. L’Union avait prévu de ne verser en 2021 que 10 % des 315 milliards d’euros de subventions aux États bénéficiaires, ce qui représente 0,3 % du PIB européen et est notoirement insuffisant. L’urgence commande d’accélérer ces versements, tout en veillant à la qualité des dépenses financées pour éviter une révolte des contribuables des pays du nord. En parallèle, l’union bancaire et l’union des marchés de capitaux devraient être finalisées afin de permettre aux institutions financières et aux marchés de contribuer pleinement au financement de la reprise.
Face à la dégradation de l’environnement international et à la montée des menaces émanant du djihadisme et des puissances impériales, l’Union n’a d’autre choix que de rompre avec la passivité et l’attentisme. Et ce, autour de quatre grands axes : la reprise en mains du contrôle des frontières extérieures et de la sécurité en Méditerranée ; l’élaboration d’une offre stratégique en direction des États-Unis ; la mise en place d’un cantonnement de la Russie et de la Turquie ; l’affirmation du leadership européen dans les domaines du climat par l’instauration d’un prix du carbone, de la régulation et de la fiscalité de l’économie numérique, d’un multilatéralisme rénové et adapté à la reconfiguration du XXIe siècle autour de grands pôles régionaux.
Face à un monde livré au chaos, confronté à la montée de la violence et privé de leadership, les États européens n’ont pas de stratégie alternative au renforcement de leur unité et à la redéfinition de l’Union en termes de puissance. À l’âge de l’histoire universelle, l’Europe sera politique ou ne sera pas. Son destin se joue maintenant.
(Article paru dans Le Point du 05 novembre 2020)