Comme le choléra, la pandémie de Covid-19 est le révélateur d’une faillite des démocraties européennes face aux risques globaux. Pourtant, certains pays montrent l’exemple.
Dans Le Hussard sur le toit, qui reste sans doute son plus beau livre, Jean Giono raconte les aventures du colonel de hussard italien Angelo Pardi qui, après avoir tué un officier autrichien, part à la recherche de son ami Giuseppe dans une Provence ravagée par le choléra. Il la parcourt aux côtés de Pauline de Théus, rencontrée sur les toits de Manosque, qu’il réussira à sauver in extremis de la maladie.
« Le choléra est un révélateur, disait Giono, un réacteur chimique qui met à nu les tempéraments les plus vils ou les plus nobles. » Il en va de même du coronavirus. Il éclaire en chacun de nous ce qu’il peut y avoir de plus médiocre et de plus grand, notamment chez ceux qui se dévouent à soigner les autres au cœur de la pandémie. Il souligne aussi les failles de nos sociétés et du système mondial, qu’il s’agisse du capitalisme dérégulé, de la polarisation des nations, de l’atomisation des individus ou de la manière dont les démocraties, toutes à leurs impuissances et à leur repli, ont laissé les démocratures prendre l’avantage au plan géopolitique, placer sous contrôle nombre d’institutions – à commencer par l’OMS – et commencer à reconfigurer l’âge de l’histoire universelle au service de leurs principes liberticides.
Ces exemples qu’il fallait suivre
Les alertes du krach de 2008 et de la vague d’attentats islamistes n’ont pas été entendues. Nous n’avons pas le droit d’ignorer cette crise sanitaire, qui constitue une forme d’ultime avertissement. Il ne suffit plus de dire que rien ne sera plus comme avant. Il faut en tirer toutes les conséquences. Sur la constitution d’un nouveau pacte économique et social. Sur le renforcement de l’État de droit. Sur le réinvestissement dans la sécurité intérieure et extérieur. Sur le réengagement des citoyens dans la vie de la cité et la réaffirmation de leur communauté de destin.
Comme lors de chaque grand choc, les marchands de peur et les démagogues ne manqueront pas de prospérer, expliquant que la solution passe par l’autoritarisme et le repli à l’intérieur des frontières nationales. La vérité est tout autre : il n’y a pas de liberté sans sécurité, mais il n’y a pas davantage de sécurité sans liberté. Pour nous en convaincre, ne rééditons pas nos erreurs et observons les pays qui ont le mieux réagi à la pandémie de coronavirus.
Ce n’est certes pas la Chine qui porte la responsabilité principale pour avoir tenté par tous les moyens de la cacher durant près de deux mois. Ce n’est certes par l’Iran, où la maladie flambe. Ce ne sont pas la Russie ou la Turquie, qui cultivent le déni. Ce sont le Japon, la Corée du Sud ou Taïwan. Ils témoignent qu’il est possible de faire face à cette pandémie comme aux risques globaux du XXIe siècle tout en respectant l’État de droit à trois conditions : une capacité élevée d’anticipation et de réaction des pouvoirs publics ; une excellente qualité des infrastructures et un très fort investissement dans la recherche et les technologies ; la force du sentiment national et des valeurs collectives.
Dès que se profilera la sortie de crise, l’Europe devra tirer les leçons de la remarquable gestion de la crise par ces démocraties d’Asie qui constituent par ailleurs des alliés précieux dans la défense de la liberté face à la poussée des démocratures.
Nicolas Baverez – 23 mars 2020