En pariant sur une reprise introuvable, le budget 2016 va encore aggraver les maux – chômage, fiscalité, déficits – auxquels il croit porter remède.
Le budget pour 2016 constitue une nouvelle illustration de la divergence entre les mots et les actes qui restera la marque de fabrique du quinquennat de François Hollande. Il était censé étayer la mise en œuvre du tournant de la compétitivité en restaurant les marges des entreprises, en diminuant le coût du travail, en réduisant enfin les dépenses publiques qui euthanasient la croissance et l’emploi. Il se contente de communier dans la démagogie en pariant sur une reprise introuvable, en mettant une fiscalité confiscatoire au service du clientélisme électoral, en excluant toute baisse effective des dépenses publiques – donc toute véritable réforme.
Les hypothèses économiques retenues par le budget pour 2016 reposent sur la poursuite de la reprise du monde développé et sur une accélération de la croissance française. Elles ignorent délibérément le ralentissement de l’activité mondiale provoqué par l’atterrissage de la Chine et son impact sur le monde émergent comme les risques liés au surendettement des Etats et des entreprises. Ainsi est anticipée une progression de 5,2 % du commerce international, contre 2,8 % cette année, ce qui est totalement irréaliste. Quant à la France, l’estimation d’une croissance de 1,5 % et d’une inflation de 1 % est très fragile, compte tenu du déficit persistant de compétitivité, de la panne de l’investissement, de la hausse continue du chômage et des pressions déflationnistes nées du trou d’air des émergents.
Le redressement de la croissance est d’autant plus improbable que la frénésie fiscale qui a tétanisé l’économie et fait basculer les classes moyennes dans le populisme n’est en rien désarmée. La hausse des prélèvements se poursuit avec la fiscalité écologique, remise à l’honneur par la COP 21 et le Dieselgate (hausse des taxes sur le diesel, de la taxe carbone et de la CSPE). Dans le même temps, les entreprises et les ménages sont confrontés à l’envolée des taxes locales, notamment dans le domaine foncier. La pseudo-baisse de l’impôt sur le revenu, qui n’est plus payé que par 46 % des ménages, sert de masque à son hyperconcentration sur les classes moyennes supérieures : 75 % des quelque 40 milliards de hausse de prélèvements sur les ménages depuis 2012 ont été payés par 10 % des ménages, dont le revenu disponible a chuté de plus de 5 %. Et le pire est à venir avec la remise à l’ordre du jour de la CSG progressive et de sa fusion avec l’impôt sur le revenu. Avec pour conséquence l’exil de près de 50 000 foyers fiscaux à haut potentiel chaque année depuis 2012.
Du côté des dépenses, Ubu est plus que jamais le roi de Bercy, ministère qui a visiblement été investi par le quart de la population française qui ne maîtrise plus le calcul. Le gouvernement se targue d’un effort historique sur les dépenses publiques. Or cet effort consiste à réduire leur progression à 14 milliards d’euros contre 30 milliards attendus. Pour Michel Sapin, cela représente 16 milliards d’économies. Pour un élève de l’école primaire du temps où elle apprenait à lire, écrire et compter, cela fait 14 milliards d’augmentation des dépenses. Auxquels il faut ajouter 4 milliards d’économies virtuelles non documentées de l’aveu même de la rapporteure générale, Valérie Rabault, ainsi que 1 milliard d’engagements non financés au titre de la sécurité, des aides à l’agriculture et de l’accueil des migrants. La France est donc le pays qui baisse la dépense publique quand elle l’augmente de 19 milliards, soit près de 1 % du PIB, et qui diminue les charges de la fonction publique en créant 8 304 postes supplémentaires de fonctionnaires d’Etat.
Le budget pour 2016 est un nouvel avatar de l’incapacité de la France à rééquilibrer ses finances publiques et à se moderniser en raison des surcoûts et de l’inefficacité chronique de son État. Notre pays a manqué la reprise du monde développé et de l’Europe, avec la baisse simultanée des prix du pétrole, de l’euro et des taux d’intérêt. Il ne tiendra pas l’objectif de réduction du déficit à 3,3 % en 2016 du fait de la dérive des dépenses encouragée par l’approche de l’élection présidentielle. Avec pour conséquence une dette publique qui atteindra 100 % du PIB dans les deux ans qui viennent.
François Hollande continue à jouer de manière irresponsable de l’absence de sanction pour la perte de contrôle des finances publiques françaises. Le risque financier systémique que la France représente est effacé par la politique monétaire ultra-expansionniste de la BCE. Nos partenaires européens, sous la pression cumulée du Grexit et du Brexit, du terrorisme et de la crise des réfugiés en provenance du Moyen-Orient et d’Afrique, ont abdiqué et renoncé à toute contrainte sur les autorités françaises.
À terme, cette complaisance se paiera cher. Notre pays court droit au défaut dès que les taux remonteront. Avec une dépense publique de 57,5 % du PIB, des transferts sociaux de 33 % du PIB, un secteur public élargi employant plus de 9 millions de personnes, 5,7 millions de chômeurs et 1,6 million d’allocataires du RSA, François Hollande a mis en moins de quatre ans l’économie, la société et les comptes de la France dans l’état de la chemise du DRH d’Air France.
(Chronique parue dans Le Point du 22 octobre 2015)