Au prochain G20, selon les vœux de l’Allemagne, le développement africain sera une priorité. Vital.
L’Allemagne vient d’inscrire pour la première fois l’Afrique parmi les priorités du sommet du G20 qui se tiendra à Hambourg les 7 et 8 juillet. Cette réunion a été préparée par une conférence tenue à Berlin les 12 et 13 juin avec une dizaine de chefs d’Etat africains, afin d’étudier les moyens de dynamiser et de sécuriser les investissements privés sur le continent. Ces initiatives témoignent d’une prise de conscience du fait que l’Afrique se situe au cœur des enjeux du XXIe siècle, qu’il s’agisse de démographie et de migrations, de développement durable et de réchauffement climatique, de sécurité et de lutte contre le terrorisme.
Au cours de la décennie 2000, l’Afrique s’est libérée du mauvais développement qui l’accablait depuis les indépendances en engageant son décollage économique avec une croissance de 5,5 % par an, en faisant émerger une classe moyenne de centaines de millions de personnes et en réduisant la pauvreté, qui a reculé de 57 à 43 % de la population entre 1990 et 2010. Simultanément, son modèle de développement s’est diversifié, avec une croissance endogène tirée par la consommation intérieure, la montée des mécanismes de marché, l’explosion des télécommunications, l’insertion dans la mondialisation grâce au bond des échanges avec la Chine, l’Inde, la Turquie et le Brésil. Il en est résulté une progression des investissements internationaux, qui sont passés de 8 à plus de 40 milliards de dollars par an depuis 2000. Enfin, la gouvernance s’est améliorée, au détriment des autocrates et de la corruption.
L’Afrique montre une forte capacité de résilience. La croissance se rétablit et atteindra 3,4 % cette année.
Le décollage de l’Afrique a cependant connu un brutal coup d’arrêt durant les années 2010. La croissance démographique se poursuit, avec la perspective d’une augmentation de la population active de près d’un milliard de personnes. Mais la croissance a chuté à 2,2 % en 2016, sous l’effet de l’effondrement du prix du pétrole et des métaux. Le continent est très vulnérable au réchauffement climatique, qui se traduit par des sécheresses, des famines au Sahel et en Afrique orientale. Les inégalités se creusent à l’intérieur des nations comme entre les nations, l’accélération du développement au Maroc, en Côte d’Ivoire, en Tanzanie, au Rwanda, en Ethiopie ou aux Seychelles s’opposant à la régression de la Centrafrique, de la République démocratique du Congo et de l’Erythrée comme à la stagnation des deux puissances régionales : le Nigeria, du fait du contre-choc pétrolier, et l’Afrique du Sud, en raison de la corruption de l’Etat-ANC.
Le djihadisme se redéploie en Afrique. L’islam radical progresse en direction du sud, s’engouffrant dans le vide que laisse l’effondrement des Etats en Libye, en Somalie, au Soudan, au Mali ou en Centrafrique. La guerre effectue un retour en force. Et les autocrates se saisissent du ralentissement économique ainsi que du regain des troubles pour pérenniser leur pouvoir.
La dégradation de la situation économique, la pauvreté qui touche encore 550 millions d’Africains sur 1,2 milliard, l’absence de liberté et la corruption, les famines et les guerres provoquent un flux sans précédent de déplacés et de réfugiés. L’Afrique en compte 20 millions sur quelque 65 millions dans le monde.
D’où la vague migratoire vers l’Europe. Pour autant, l’Afrique n’est nullement perdue pour la démocratie et le développement. Elle montre une forte capacité de résilience. La croissance se rétablit et atteindra 3,4 % cette année. La poursuite du décollage reste surtout conditionnée à la paix civile et la stabilité politique. Si l’Afrique n’a pas besoin d’être encadrée, elle a besoin d’être aidée, notamment par l’Europe. Le codéveloppement doit encourager le basculement vers l’économie de marché. Les migrations doivent être cogérées avec une aide financière, notamment pour l’accueil des réfugiés, en contrepartie du contrôle des frontières et de la réadmission des déboutés du droit d’asile.
L’Afrique est ainsi non seulement un partenaire obligé de l’Europe au XXIe siècle, mais aussi un banc d’essai pour la relance du couple franco-allemand. L’Afrique relève de politiques globales. Voilà pourquoi elle nécessite de marier les capacités militaires et diplomatiques de la France à la puissance économique, qui constitue le point fort de l’Allemagne.
(Chronique parue dans Le Point du 22 juin 2017)