Paris est devenue l’emblème du déclassement de la France et de la paupérisation des Français.
Montesquieu affirmait que « c’est la capitale qui fait les mœurs des peuples ; c’est Paris qui fait les Français ». Aujourd’hui, Paris est devenue l’emblème du déclassement de la France et de la paupérisation des Français. Sa candidature aux Jeux olympiques de 2024 sert d’écran de fumée pour masquer la dérive d’une ville marginalisée dans le XXIe siècle. Une ville qui ne peut même plus prétendre être la capitale de la province, à l’heure où d’autres métropoles, à commencer par Lyon, disposent d’une meilleure attractivité.
Sur le plan démographique, Paris et sa région connaissent une lente érosion, quand la population du Grand Londres est passée de 6,6 à 14 millions d’habitants depuis 1980. Sur le plan économique, la production stagne tandis que l’hôtellerie et le commerce affrontent une crise historique avec le recul de plus de 10 % des touristes étrangers en dépit de l’Euro 2016 – la chute de 25 % pour les Asiatiques : il en résulte une forte hausse des faillites d’entreprises qui retrouvent les niveaux records des récessions de 1993 et 2008. Sur le plan financier, la place de Paris figure au 37e rang mondial derrière Johannesburg et les investissements étrangers sont à l’arrêt quand ils progressent de 14 % en Europe. Sur le plan social, le chômage touche 8,8 % de la population active alors que la plupart des métropoles européennes sont en situation de plein-emploi. Sur le plan urbain, de nombreux quartiers, du XVe au XXe arrondissement, voient s’installer des ghettos, tandis que se multiplient les camps de migrants et les marchés sauvages. Sur le plan intellectuel, universitaire, artistique et sportif, Paris ne figure plus parmi les villes-monde qui rythment la mondialisation.
La vague d’attentats qui ciblent Paris depuis 2015 et l’intensité de la menace terroriste ont à l’évidence accéléré son décrochage. Mais les causes profondes sont tout autres.
Paris est d’abord victime de l’insoutenabilité du modèle économique et social français, du niveau des impôts et des charges, de la rigidité du marché du travail, du carcan législatif et réglementaire hostile aux entreprises dont le projet de loi Sapin 2 ou la proposition sur le devoir de vigilance sont les derniers avatars. L’État endosse également la faute principale pour la dégradation de la sécurité qui va bien au-delà du violent braquage de Kim Kardashian. Il en va de même pour la désintégration du système d’éducation public dans la capitale où la généralisation des affectations par algorithmes aboutit à affecter au lycée Turgot 87 % d’élèves boursiers retenus sur des critères sociaux excluant toute prise en compte de leurs capacités, de leurs résultats ou de leur mérite.
Mais la politique conduite par la Ville de Paris porte également une lourde responsabilité. Loin de travailler à attirer les cerveaux, les talents, les entrepreneurs et les capitaux, elle utilise le levier du logement social pour remodeler à l’avantage de la majorité municipale la sociologie de la capitale. La capitale compte déjà plus de 220 000 logements sociaux, soit 19 % du parc des logements existants.
Pourtant, rien n’est fait pour renforcer l’activité économique, rénover la voirie, améliorer la propreté ou investir dans la sécurité, notamment par la vidéosurveillance. L’insécurité et la saleté sont aujourd’hui telles que des habitants du XVIIIe arrondissement ont obtenu la condamnation de la Ville par le tribunal administratif pour manquement à ses obligations en matière de tranquillité publique et d’entretien. Or le plan d’investissement démesuré de 10 milliards d’euros accorde une priorité absolue au logement social qui absorbe 3 milliards alors que le marché n’est nullement défaillant. Au prix d’une bulle spéculative sur les finances de la Ville dont la dette culminera à 7,5 milliards d’euros en 2020 contre 2,3 milliards en 2008, représentant 18 années d’épargne brute. D’où les manipulations comptables dénoncées par la Chambre régionale des comptes qui consistent à capitaliser 361 millions de loyers grâce au conventionnement de nouveaux logements sociaux, qui créent des recettes fictives en même temps qu’ils fidélisent une clientèle électorale.
Paris est aujourd’hui un bateau ivre, dont les prétentions à concurrencer Londres après le Brexit ne sont que chimères. Il est bien vrai que des entreprises financières, avec leurs emplois et leurs actifs, s’apprêtent à quitter Londres mais seules New York, Francfort et Amsterdam sont actuellement en compétition pour les accueillir.
Victor Hugo soutenait que « sauver Paris, c’est plus que sauver la France, c’est sauver le monde ». Organiser des Jeux olympiques dans une ville déclinante qui se coupe de la jeunesse et de la modernité du XXIe siècle n’a aucun sens. Il faut d’abord refaire de Paris une ville prospère, moderne, sûre et ouverte dans la mondialisation.
(Chronique parue dans Le Point du 24 octobre 2016)