La France cumule les handicaps et le quinquennat de François Hollande aura fini de fragiliser un pays drogué aux dépenses publiques.
Le Brexit constitue un choc politique majeur qui débouche sur une double crise économique et financière. Le Royaume-Uni qui connaissait la reprise la plus dynamique en Europe bascule dans la récession. Le krach immobilier de Londres pourrait contaminer les marchés, comme le montre le renouveau des tensions sur les banques et le crédit. Face à ces ruptures, chacun s’accorde sur la nécessité de renforcer la zone euro et de refonder l’Union. Mais la tétanie prévaut en raison du blocage du couple franco-allemand, paralysé par la défiance qu’inspire une France à la dérive.
Face à la montée des incertitudes et aux menaces de désintégration de l’Europe, la France est en première ligne. Elle constitue plus que jamais le premier risque de la zone euro, car elle cumule croissance molle, sous-compétitivité structurelle, chômage de masse, décohésion sociale, montée de la violence et des populismes. Elle affaiblit les institutions européennes comme la BCE en mettant à profit la détente de la discipline budgétaire et la stratégie d’expansion monétaire pour refuser toute réforme. Par son effondrement économique et son immobilisme, elle interdit la relance de l’Union.
Plus le monde change, plus le modèle français reste immuable. À risques multiples, réponse unique : la dépense publique. Le projet de budget pour 2017 marque ainsi une dérive inédite. Non seulement, il renoue avec une forte hausse des dépenses et des postes de fonctionnaires, mais il acte la production de comptes délibérément faux.
François Hollande n’a jamais rompu avec l’addiction à la dépense publique. Contrairement aux autres pays développés, elle a poursuivi sa course folle en France jusqu’à atteindre 57,5 % du PIB. Seuls 12 des 50 milliards d’économies annoncées sur trois ans ont été réalisés alors même que ces coupes étaient largement virtuelles puisqu’elles ne constituaient qu’une moindre augmentation des dépenses par rapport à leur augmentation anticipée. Les seules baisses réelles de dépenses publiques en France sont à mettre au crédit de la BCE – dont la stratégie de taux négatifs a ramené le coût de refinancement à dix ans de la dette publique à 0,16 % – et nullement à celui des autorités françaises.
Pour 2017, la fiction s’effondre avec une hausse de 7,3 milliards des crédits qui s’accompagne de la création de 14 000 postes dans la fonction publique d’État. Pis, ces dépenses ne sont pas destinées en priorité à la modernisation de l’État régalien mais à la flatterie de clientèles électorales : enseignants, chercheurs, fonctionnaires, intermittents, cheminots, jeunes.
Simultanément, les comptes de la France s’enfoncent dans l’opacité et l’insincérité. L’impact des mesures catégorielles annoncées sera de 4 milliards d’euros en 2017 mais de plus de 10 milliards d’euros par an à compter de 2018. Le recours au CICE reporte plus de 4 milliards d’euros de baisses de charges à 2018. Les entreprises publiques sont utilisées comme des démembrements de l’État, permettant de sortir plus de 100 milliards d’euros de la dette publique dans les seuls secteurs du ferroviaire et de l’énergie.
Au total, l’objectif d’un déficit réduit à 2,7 % du PIB l’an prochain est totalement irréaliste ; l’endettement public atteint aujourd’hui au minimum 102,5 % et non pas 97,5 % du PIB. Et ce alors que les prélèvements sur les ménages ont augmenté de 65 % depuis 2012, dont 80 % ont été supportés par moins de 10 % de la population. Et ce alors que l’environnement extérieur se durcit du fait de la remontée du prix du pétrole et de l’euro, et plus encore du Brexit qui amputera la croissance de 0,2 à 0,3 point dans les prochaines années.
Le quinquennat de François Hollande a achevé de fragiliser la France, qui se trouve à la merci d’un choc extérieur – en cas de renouveau des tensions financières en Europe – ou intérieur – du fait de la contagion des violences et de l’installation d’un climat de guerre civile froide. La perte de contrôle des finances publiques illustre l’incapacité de notre pays à se réformer, en même temps qu’elle sape la crédibilité de la Commission à faire appliquer les disciplines des traités européens qui fondent le grand marché et la zone euro.
La maîtrise de la dépense publique en France est vitale pour notre pays comme pour la survie de la monnaie unique. Elle est d’autant plus cruciale que François Hollande, non content d’avoir dilapidé les ressources issues du choc fiscal qui a durablement bridé la croissance potentielle, a préempté la prochaine présidence en reportant des dépenses et des baisses de charges qui représentent plus d’un point de PIB. Aujourd’hui, la remise en ordre des finances publiques de la France ne peut plus passer par des ajustements à la marge. Elle implique la conversion d’un modèle de décroissance à crédit piloté par l’État vers un modèle de développement par l’innovation conduit par les entreprises. Le redressement de la France passe par la restructuration drastique de l’État qui appelle une révolution politique et morale. Présider, ce n’est pas dépenser, c’est réformer.
(Chronique parue dans Le Figaro du 11 juillet 2016)