Contrairement à l’Europe, les États-Unis ont réussi à échapper au piège de la double récession et sont engagés dans une reprise progressive.
Le 6 mai 2012, François Hollande est devenu, après François Mitterrand, le deuxième président socialiste de la Vème République. Grâce à sa résistance et à la constance d’une ligne stratégique dont il n’a jamais dévié, il permet au parti socialiste de prendre sa revanche sur les deux élections de 2002 et 2007. Considérées comme imperdables par la gauche, elles virent cependant l’élimination surprise de Lionel Jospin au premier tour face à Jean-Marie Le Pen puis la nette défaite de Ségolène Royal.
En 2012, la structure de l’élection est restée celle du référendum contre Nicolas Sarkozy, qui l’a emporté largement sur la peur du changement au milieu d’une crise mondiale et européenne qui exacerbe les angoisses devant le déclin de la France et le déclassement des Français. La sanction des dirigeants et des majorités en place s’est imposée dans les démocraties occidentales comme la norme depuis 2007. Mais Nicolas Sarkozy demeure une exception tant sa défaite est avant tout le fruit du rejet de sa personnalité plus que de sa gestion de la crise financière puis des chocs sur la zone euro.
La victoire de François Hollande marque une alternance majeure. D’abord, ce n’est que la troisième rupture présidentielle depuis 1958, après celles de 1981 à gauche et de 1995 à droite. Surtout, elle s’inscrit à rebours de l’orientation conservatrice qui domine actuellement en Europe. Contrairement à 1981, elle n’entraînera pas de réel état de grâce.
Loin d’être protégé par une bulle de liesse et de popularité, François Hollande va d’emblée affronter une succession de crises et d’échéances majeures, qui seront autant de tests pour sa crédibilité au plan intérieur et international. Sur fond d’une contradiction profonde entre la volonté d’apaisement des Français, épuisés par la crise et par les divisions de la nation, et l’aggravation des difficultés de l’économie française comme des risques sur la zone euro. Rarement les cent premiers jours d’un mandat présidentiel ne se seront présentés comme aussi décisifs sous la Ve République.
Le premier test, de politique intérieure, concerne les élections législatives. Le risque pour François Hollande semble limité de ne pas disposer d’une majorité au sein de l’Assemblée nationale, tant le parti socialiste va bénéficier de la dynamique née de la présidentielle tandis que l’UMP reste sous le choc d’une défaite et d’une campagne qui ont exacerbé ses divisions jusqu’à menacer l’unité du parti. En revanche, le président sera placé sous la pression de la radicalisation des électeurs de gauche, qui souhaitent une application rapide et maximaliste de ses promesses les plus emblématiques : retraite à 60 ans pour les carrières longues ; création de 65.000 postes de professeurs, policiers, gendarmes et magistrats ; taxation des hauts revenus à 75 %.
Le deuxième test est économique et financier. D’un côté, la dégradation de l’économie française s’accélère avec une quasi stagnation, un chômage en hausse, de gigantesques déficits jumeaux des finances publics et de la balance commerciale. De l’autre, la crise des risques souverains connaît un spectaculaire regain avec la déstabilisation de l’Espagne. Dans ces conditions, un choc sur la dette française au cours des prochaines semaines est hautement probable, synonyme d’une hausse des taux d’intérêts qui réduirait à néant le programme de nouvelles dépenses publiques planifié par François Hollande.
Le troisième test sera européen et déterminera largement l’avenir du couple franco-allemand comme la capacité des pays de la zone euro à nouer les compromis politiques indispensables à la survie de l’euro. Il est non seulement possible mais très souhaitable de compléter l’assouplissement de la politique monétaire engagé par Marion Draghi et le traité budgétaire par une initiative de croissance centrée autour de l’offre et de la compétitivité. À l’inverse, le refus du retour à l’équilibre et de l’ajustement budgétaire, a fortiori une expérience de relance keynésienne, déchaîneraient la défiance des marchés tout en interdisant la réduction des déséquilibres au sein de la zone euro. Elle ouvrirait par ailleurs un conflit avec l’Allemagne, qui entre en période électorale ce qui limite les marges de manœuvre d’Angela Merkel.
Le quatrième test, international, se jouera avec la succession des sommets du G8, de l’OTAN et du G20. Ce seront autant d’occasions pour François Hollande de combler son déficit de notoriété et d’expérience à l’étranger pour asseoir sa crédibilité. Le plus difficile ne se jouera pas dans l’ordre diplomatique mais dans l’ordre politique, avec la nécessité pour le nouveau président de réduire l’écart qui s’est creusé entre l’évolution des Français telle qu’elle ressort de la campagne, et celle d’une histoire universelle qui accélère et marginalise la France, comme les continents ou les nations qui se révèlent incapables d’adapter leurs institutions, leur système productif, leur pacte social aux révolutions permanentes du XXIe siècle.
Face à ses quatre tests, François Hollande ne bénéficiera d’aucun répit. Il devra d’emblée imposer un nouveau style de gouvernance en adéquation avec les attentes des Français tout en intégrant la stature présidentielle. Il devra se positionner sur l’évolution d’un modèle économique et social insoutenable et sur la stratégie de sortie de crise de l’euro sous les regards croisés et contradictoires des Français, des marchés et de nos partenaires européens.
Le choix décisif sera celui d’un soft ou d’un hard landing entre le programme du candidat Hollande et l’action du président Hollande :
- Le choix du soft landing correspond à une stratégie de gauche pour moderniser le pays, à l’image de l’Agenda 2010 qui permit à Gerhard Schröder de redresser l’Allemagne, et à la négociation d’un pacte européen liant assouplissement monétaire, solidarité financière, responsabilité budgétaire et croissance.
- Le choix du hard landing consiste, comme en 1981, à aller jusqu’au bout de l’application d’un programme déraisonnable pour se fracasser sur le mur de la dette et sur les engagements européens. Avec, en 2012, des conséquences meurtrières pour une France désormais très affaiblie mais aussi pour la zone euro et l’Europe toute entière.
(Chronique parue sur le site du Le Huffington Post le 06 mai 2012)