Les Français ont inventé un droit de retrait de la citoyenneté qui dépasse la seule abstention au plan électoral.
En France, la nation s’est construite autour de l’État, à l’inverse de l’Angleterre dont les institutions ont été façonnées pour protéger les citoyens contre les dérives de la puissance publique. La Ve République marque l’aboutissement de cette prééminence étatique avec la prise de contrôle du pouvoir politique par la haute administration. Son corollaire est la subordination et le mépris envers la société civile, dont Tocqueville a décrit le ressort : « Ce qui caractérise l’administration française, c’est la haine violente que lui inspirent tous ceux qui veulent s’occuper des affaires publiques en dehors d’elle. »
Or, dans un monde ouvert, où les États sont contournés par le capitalisme universel et les technologies, où ils sont concurrencés par la vitalité des métropoles, l’innovation des entreprises et la mobilité des individus, où ils perdent le monopole de la violence légitime jusqu’à s’effondrer, l’étatisme connaît une crise de légitimité et d’efficacité. Loin de favoriser le changement, la tutelle publique bloque toute réforme. Et la société, à force d’être brutalisée, finit par se révolter. Deux formes de protestation s’offrent alors aux citoyens des démocraties : le désengagement ou la violence.
François Hollande a fait basculer la société française de la passivité à la révolte. Face à une fiscalité confiscatoire, à l’éviction des activités privées par la dépense publique (57,5 % du PIB), à la prolifération de la réglementation et à la prétention de l’État de leur dicter leurs comportements, les Français ont inventé un droit de retrait de la citoyenneté qui dépasse la seule abstention au plan électoral.
La riposte à l’attaque en règle menée contre la famille et l’entreprise est brutale. Grève des naissances, qui ont chuté de plus de 19.000 en 2015, répondant au loi Macron dont le résultat paradoxal est la diminution des activités et des commerces ouverts le dimanche.
Les mesures les plus absurdes et destructrices essuient des refus. Dans l’éducation, les parents et les enseignants font cause commune pour assurer la survie des pôles d’excellence – classes européennes et bilangues – ainsi que de l’enseignement du latin. Les médecins ont mis en échec le tiers payant généralisé. Les professions agricoles ont annoncé qu’elles n’appliqueraient pas le compte pénibilité, ouvrant la voie aux artisans ainsi qu’aux secteurs du bâtiment et des transports.
La réaction la plus radicale à l’oppression fiscale et réglementaire est à chercher dans le départ du territoire. Chaque année, plus de 80 000 personnes à haut potentiel quittent la France. Plus de 300 milliards d’euros de capital productif se sont exilés. La transformation statutaire des entreprises en société européenne s’emballe, afin de garantir leur droit à se réinstaller facilement dans l’Union. Enfin, sous l’apparence de fusion, se multiplient les délocalisations, à l’image de Solvay, Alstom, Lafarge ou Alcatel.
La tentation de l’extrémisme et de la violence s’exprime à travers la montée en puissance du Front national, qui a réuni 6,6 millions de voix à l’occasion des élections régionales, comme à travers la naissance d’un djihad français.
Pour autant, la société civile recèle aussi des signaux de renouveau et livre des motifs d’espoir. Les Français ont pour l’heure fait preuve de résilience face au terrorisme en refusant de s’inscrire dans la logique de la guerre civile que cherche à enclencher l’État islamique. Les citoyens basculent en faveur des réformes et évoluent beaucoup plus vite que la classe politique, qui continue à communier dans le déni. Les électeurs de gauche et de droite se sont ligués pour écarter le Front national de la direction des régions. La French Tech est de plus en plus reconnue dans le monde, témoignant de l’excellence de notre capital humain. L’engagement de nombreux jeunes dans les ONG mais aussi dans la police et les armées témoigne d’une volonté intacte de porter haut les valeurs de la République et de servir l’humanité au XXIe siècle.
En 2017, la France, au bord de la faillite et de l’implosion, n’a plus le droit à l’erreur. Le renouveau passe par l’affirmation d’un principe fondamental : l’État n’est plus la solution, il est le problème ; les Français ne sont plus le problème, ils sont la solution.
(Chronique parue dans Le Figaro 22 février 2016)