L’année 2013 pourrait être terrible si le pays ne fait pas face aux risques stratégiques, politiques et économiques.
L’année 2012 a vu les banques centrales cantonner les risques systémiques qui pesaient sur l’économie mondiale. Aux États-Unis, la Fed a réussi à consolider la relance en dépit des turbulences de l’élection présidentielle, érigeant le plein-emploi en objectif à part entière de la politique monétaire. Avec, pour conséquence, le maintien de taux zéro jusqu’en 2015. En Europe, la BCE, sous l’autorité de Mario Draghi, a jugulé les risques d’implosion de la monnaie unique en finançant de manière illimitée les États et les banques et en diminuant les taux d’intérêt. Elle s’est ainsi érigée en prêteur en dernier ressort, condition indispensable à la survie de l’euro.
L’année 2013 s’engage sous le triple signe des risques stratégiques, politiques et économiques. Sur le plan géopolitique, les tensions s’accumulent : en Asie, avec la multiplication des conflits de souveraineté entre la Chine et ses voisins ; en Iran, pays qui atteint désormais le seuil nucléaire ; dans le monde arabo-musulman, enfin, où les révolutions débouchent sur la prise du pouvoir par les fondamentalistes et sur la montée des violences. Sur le plan politique, les passions populistes et protectionnistes qui s’exacerbent dans le monde développé font écho au nationalisme déchaîné des pays émergents. Enfin, l’atténuation des risques systémiques laisse apparaître l’ampleur des risques économiques liés à la faiblesse de la croissance, à l’enracinement du chômage de masse, au surendettement des États et à la vulnérabilité des bilans des banques centrales dans le monde développé.
Le Japon et l’Europe restent les maillons faibles de la mondialisation. Le Japon cumule en effet la stagnation économique depuis 1990 et une dépendance croissante vis-à-vis de la Chine. Sa dette publique – qui s’élève à 240 % du PIB – menace d’échapper à tout contrôle, en raison tout d’abord du déficit courant, creusé par la hausse des importations d’énergie post-catastrophe de Fukushima, mais aussi des représailles commerciales de la Chine qui font suite au différend des îles Senkaku. La zone euro, quant à elle, s’apprête à connaître une nouvelle année de récession et d’envolée du chômage. La refondation des institutions de la monnaie unique reste à la merci des avatars politiques. C’est ce qu’ont montré la secousse provoquée par la candidature de Silvio Berlusconi aux élections législatives, qui fait planer la menace d’un démantèlement des réformes impulsées par Mario Monti, et l’ajustement périlleux de la Grèce, de Chypre et de l’Espagne, plus que jamais au bord du chaos.
En 2012, les banques centrales ont fait leur devoir. En 2013, c’est aux États et aux dirigeants politiques de faire le leur, depuis le rééquilibrage des finances publiques aux États-Unis jusqu’aux programmes d’ajustement de l’Europe du Sud, qui doivent avoir pour pendant le soutien à l’activité en Europe du Nord.
C’est la France qui constituera le premier risque pour la zone euro, en raison de la rupture de son appareil de production, pris en tenaille entre la compétitivité par la qualité des pays d’Europe du Nord et la restauration de la compétitivité des prix de l’Europe du Sud. La production industrielle a chuté de 12 % depuis 2007 et le taux de marge des entreprises, à 28 % de la valeur ajoutée, atteint son plus bas niveau historique. Le taux de chômage réel s’élève à 15 % de la population active. La dette publique atteindra 92 % du PIB. Dans le même temps, la France sera le premier emprunteur mondial en euros, avec près de 200 milliards. Elle cumulera la récession, l’aggravation du déficit commercial, l’explosion du chômage et l’incapacité à remplir l’objectif de 3 % du PIB pour le déficit public. Un choc sur la dette française devient donc possible. Cela serait dramatique pour notre pays comme pour la zone euro, puisque les mécanismes de solidarité et la réassurance de la monnaie unique reposent sur la double signature française et allemande. Cette secousse financière pourrait dégénérer en crise politique, en raison de la faiblesse d’un leadership évanescent et du mélange d’incompréhension, de colère et d’humiliation qu’éprouveront les Français, qui sont entretenus dans le déni de la crise par leurs dirigeants.
La France connaîtra en 2013 une année terrible qui la verra en première ligne. Elle doit profiter du sursis miraculeux que lui accordent les marchés financiers pour redresser la compétitivité de ses entreprises, libéraliser son marché du travail, ouvrir le secteur des services à la concurrence, réformer l’État et engager la diminution des dépenses publiques. À défaut, la crise la saisira à la gorge. Et la zone euro avec elle.
(Chronique parue dans Le Point du 03 janvier 2013)