La libéralisation des échanges recèle de gisements de croissance. La diplomatie commerciale est la clé.
Les risques financiers systémiques et la menace d’une déflation mondiale ont été contenus par les politiques budgétaires et monétaires expansionnistes conduites depuis 2008. Mais la réduction des déséquilibres structurels et le désendettement dépendent du retour de la croissance. Or l’activité reprend aux États-Unis mais reste très fragile au Japon tandis que l’Europe rechute dans la récession. Elle ralentit également dans les pays émergents en dépit du gonflement de la dette privée qui s’est envolée (190 % du PIB en Chine, 90 % du PIB en Inde, 80 % du PIB en Inde).Dans ce contexte, le commerce international représente l’une des sources majeures de la croissance. En dépit des barrières protectionnistes qui ont triplé depuis 2007, touchant 3 % des échanges, en dépit de la renationalisation du crédit et de la chute de 60 % des mouvements de capitaux transfrontières, en dépit des risques de guerre des monnaies – depuis les dévaluations larvées du dollar et de la livre sterling à l’effondrement du yen de 30 % en passant par l’institution d’une parité fixe entre le franc suisse et l’euro -, le commerce international a résisté. Il affiche une hausse moyenne de 4 % par an sur dix ans, largement supérieure à la croissance mondiale (2,5 %).
La poursuite du développement des échanges internationaux, qui contraste avec leur effondrement des trois quarts au cours des années 1930, a été déterminante pour l’enrayement de la déflation par la dette de 2008 et la préservation de la mondialisation. Elle constitue la principale réussite du G20. La progression du commerce international depuis une décennie n’est pas allée sans de fortes secousses, mais surtout sans transformations fondamentales. Les exportations des pays émergents représentent désormais 48 % des échanges. La demande bascule également au Sud, accompagnant la constitution de la nouvelle classe moyenne qui compte un milliard d’hommes (2,5 milliards en 2030). Dès 2016, la Chine deviendra le premier marché de la planète devant les États-Unis. Dans le même temps, les échanges de services progressent de plus de 11 % par an, accompagnant la montée en puissance de l’économie de la connaissance et de l’information.
Le gisement de croissance que recèle la libéralisation des échanges est loin d’être négligeable. La levée des obstacles pourrait générer 1 000 milliards de dollars de richesses supplémentaires pour l’économie mondiale, dont près de 400 milliards par l’amélioration des ports – par lesquels transitent 80 % des marchandises – et des aéroports. En Europe, la relance de l’intégration du grand marché, notamment dans les services, créerait plus de 300 milliards d’euros de production nouvelle pour l’Union. D’où l’importance cruciale des multiples négociations qui se dessinent et qui vont décider des orientations décisives du commerce international au cours de la première moitié du XXIe siècle.
L’avenir de la mondialisation se joue en grande partie à l’OMC, qui décide des accords multilatéraux et qui est compétente pour le règlement des différends commerciaux. Si l’examen des contentieux fonctionne efficacement, les négociations du cycle de Doha sont paralysées depuis plus d’une décennie. C’est désormais à son nouveau directeur général, le brésilien Roberto Azevedo, qu’il revient de sortir de l’impasse. Sa désignation est symbolique tant de la montée en puissance des pays émergents que du nouveau cours de la stratégie brésilienne qui, après avoir multiplié les droits de douanes et les mesures protectionnistes, s’ouvre aux capitaux, aux produits et aux technologies extérieurs pour tenter de relancer une croissance défaillante (1 %).
La relance du multilatéralisme devra surmonter deux risques. Le premier consisterait dans un affrontement commercial entre le Nord et le Sud, organisé autour des Brics (43 % de la population et 25 % du PIB mondial), qui pourraient se doter d’institutions propres – d’un fonds monétaire à une banque de développement en passant par une agence de notation. Il reste minime compte tenu de leur hétérogénéité et de leurs rivalités. Le second, très réel, réside dans la multiplication des accords bilatéraux. À l’image des États-Unis dont la diplomatie commerciale s’inspire du réseau de leurs alliances durant la guerre froide. Après l’Alena qui réunit les Amériques, le projet de partenariat trans-Pacifique lancé avec plus de dix pays d’Asie vise à contrer les ambitions chinoises tandis que le grand marché transatlantique cherche à consolider un bloc occidental qui contrôle pour l’heure la moitié des échanges mondiaux.
Quatre enseignements émergent :
- Le retour à une croissance durable doit associer la réforme des modèles nationaux à l’ouverture des frontières et à la libéralisation du commerce international.
- Le libre-échange est à l’avantage des pays développés car la composante la plus dynamique de la demande se trouve dans les classes moyennes du Sud.
- Le grand marché qui réunit 500 millions de consommateurs est un formidable atout que les Européens négligent.
- Les émergents doivent se voir reconnue toute leur place au sein des institutions multilatérales, pour stabiliser la mondialisation et prévenir les risques de guerre commerciale et monétaire Nord-Sud.
(Chronique parue dans Le Figaro du 20 mai 2013)