Entre réglementation, impôts et subventions, l’économie française est à bout de souffle. Il faut réinventer notre modèle.
Ronald Reagan définissait en ces termes l’économie administrée : « Tout ce qui bouge, on le taxe ; ce qui bouge encore, on le réglemente ; ce qui ne bouge plus, on le subventionne. » Ce modèle fondé sur les impôts, la réglementation et la dépense publique est à l’origine de la débâcle économique et sociale de la France.
Ce qu’Arthur Laffer avait rêvé, François Hollande l’a fait. La hausse annoncée de 12 milliards d’euros des impôts en 2014 portera les prélèvements supplémentaires depuis 2012 à 67 milliards, soit 3,5 % du PIB. La mise en place d’une fiscalité confiscatoire ne permet pas le retour à l’équilibre des comptes publics car l’impôt est entré en France dans une phase de rendements décroissants.
L’exubérance irrationnelle de la réglementation constitue la deuxième arme de destruction massive de l’activité et de l’emploi. La rigidité et la complexité de la réglementation du travail expliquent, aux côtés de la folle dérive des charges sociales, l’installation en France d’un chômage structurel qui atteint 9,5 % de la population active. Les constructions neuves s’effondrent alors que la France souffre d’une pénurie de 700 000 à 1 million de logements tandis que le marché locatif est étouffé par un droit hostile au propriétaire et par l’encadrement des loyers. Le foisonnement anarchique des instances de régulation et des normes applicables aux banques et aux assurances, s’ajoutant au projet de taxe financière dont le coût dépasserait 70 milliards d’euros, n’a nullement contribué à la stabilité financière mais a réussi à provoquer le premier effondrement du crédit réglementaire de l’histoire du capitalisme.
Les subventions sont loin de ranimer l’activité détruite par l’impôt et les règlements. Le crédit d’impôt compétitivité, qui entendait aider la position concurrentielle des entreprises en améliorant les marges laminées par les prélèvements (taux de marge de 27 % contre 42 % en Allemagne), bénéficie en priorité au secteur protégé et marginalement à l’industrie et aux exportateurs. Les grands bénéficiaires sont la grande distribution avec 3 milliards d’euros, la construction avec 2 milliards ou encore La Poste pour 270 millions d’euros contre moins de 100 millions pour Peugeot qui joue sa survie. De même, les pseudo-investissements d’avenir se limitent à un abondement des dépenses de fonctionnement dans l’enseignement supérieur ou la défense et à un soutien des entreprises publiques du secteur des infrastructures ou de l’énergie. Les emplois aidés pour les jeunes les orientent en priorité vers le secteur non marchand alors que les emplois durables sont dans les entreprises.
La faillite de l’économie administrée française est irréversible. Faillite économique avec une chute de la progression de l’activité d’un point par décennie depuis les années 1970 qui a ramené la croissance potentielle à 0,7 % et qui menace d’enfermer notre économie dans la spirale déflationniste dont le Japon cherche désespérément à s’extraire avec les Abenomics. Faillite financière avec l’envolée de la dette publique de 20 % du PIB en 1980 à 95 % du PIB en 2014 qui s’affirme comme un risque systémique pour la zone euro. Faillite sociale avec l’installation d’un chômage permanent, notamment pour les jeunes dont le taux d’inemploi atteint 25 %, la multiplication des trappes à inactivité et à pauvreté, le renouveau des bidonvilles, la paupérisation des Français dont la richesse par habitant a décroché de 13 % par rapport à celle des Allemands. Faillite citoyenne qui voit la montée parallèle des transferts sociaux – dont la part est décisive dans les revenus des trois quarts des Français – et du populisme, tandis que de plus en plus de jeunes (200 000 depuis 2008) sont contraints à l’exil.
La France pousse ainsi à l’extrême les déséquilibres fondamentaux de l’économie européenne qu’Angela Merkel a résumés en une phase : « L’Europe représente 7 % de la population mondiale, 20 % de la production mondiale, 50 % des transferts sociaux mondiaux. » Elle fait cependant doublement exception. Par la très longue durée de son déclin qui remonte aux années 1970 puisqu’elle est la seule grande économie développée à n’avoir jamais rétabli l’équilibre de ses finances publiques et le plein emploi. Par la fusion de la classe politique avec la haute administration qui a rendu irréformable le modèle « tax, regulate and spend ».La modernisation de l’économie administrée française ne sera donc pas décidée et conduite de manière souveraine par les dirigeants français mais déclenchée par la pression des marchés financiers, de nos partenaires et des institutions européennes sur le fondement des disciplines indispensables à la survie de l’euro. Le premier acte sera la revue des budgets et des comptes publics qui débutera dès l’automne 2013 et qui coïncidera avec la montée des tensions sur les taux d’intérêt de la dette française.
Les Français devront réinventer un modèle de développement soutenable, tiré par la production et l’exportation, l’investissement et l’innovation. La priorité absolue doit aller à une stratégie de l’offre fondée sur la restauration du taux de marge des entreprises via la baisse des prélèvements, l’espace rendu à la dépense privée grâce à la baisse de la dépense publique, la préférence pour le travail et non pour le chômage, la restructuration de l’État providence. La trilogie satanique des impôts, de la réglementation et de la subvention doit s’effacer devant la reconnaissance du travail et de l’épargne, l’État de droit et la concurrence, enfin et surtout le respect de la liberté d’entreprendre.
(Chronique parue dans Le Figaro du 15 juillet 2013)