Pendant que la France rêve d’une transition énergétique chimérique, les États-Unis la font.
La politique de l’énergie doit répondre à quatre objectifs : le bien-être de la population ; la compétitivité de l’économie ; la sécurité de l’approvisionnement ; la protection de l’environnement. Les conclusions du grand débat sur la transition énergétique organisé par le gouvernement n’en remplissent aucun.
La réduction de moitié de la consommation d’énergie d’ici à 2050 est à la fois irréaliste et meurtrière pour la compétitivité. Elle repose sur le double postulat d’une pénurie d’énergie et d’une hausse inévitable de son prix, renforcée par une nouvelle fiscalité écologique à hauteur de 3,5 milliards d’euros dès 2016 via une taxe carbone et la hausse des prélèvements sur le gazole. Ce choc fiscal écologique enfermera notre économie dans la récession et contribuera à paupériser les Français, dont le pouvoir d’achat est atteint par l’envol de l’électricité et du gaz Il pénalisera les exportations (l’augmentation de 10 % du prix de l’électricité entraîne une baisse de 2 % des exportations) et encouragera les délocalisations industrielles. Le démantèlement prématuré des centrales nucléaires détruira plus de 200 000 emplois à l’horizon de 2030.
La diminution de la part du nucléaire de 75 à 50 % de la production d’énergie associée à la montée à hauteur de 27 % des énergies renouvelables implique une destruction de valeur proche de 150 milliards d’euros et un effort d’investissement dans la production et les réseaux de l’ordre de 500 milliards d’euros, qui sont hors de portée d’un pays surendetté (96 % du PIB à fin 2014). Et ce d’autant que cette stratégie irait de pair avec un recul de la sécurité d’approvisionnement, des réseaux fragilisés par les moyens de production intermittents et des technologies et des matériaux des filières renouvelables dominées par les États-Unis et par la Chine – notamment dans le domaine du solaire et les terres rares.
La coûteuse accélération du démantèlement des centrales nucléaires et la montée en puissance des énergies renouvelables obligent à des surcapacités en termes de production et de réseaux, mais aussi à un recours accru aux moyens thermiques. Et notamment au charbon, comme le montre l’Allemagne du fait de sa sortie du nucléaire pour 2022. Avec à la clé une augmentation des gaz à effet de serre.
La transition énergétique à la française se réduit à une succession de lignes Maginot en parfait décalage avec les réalités. La volonté de réduire à tout prix la consommation ne sert pas l’efficacité énergétique, mais la décroissance économique. L’interdiction non seulement de l’exploitation mais de l’exploration des hydrocarbures non conventionnels est exemplaire du malthusianisme économique, de l’aversion pour la connaissance et de la haine du progrès qui gangrènent notre pays. Enfin, le débat sur l’énergie se place en dehors tant de l’économie – ignorant l’impact sur la compétitivité – que de la société ouverte du XXIe siècle. Les taxes et les réglementations sont en France – avec pour dernier avatar l’inscription de la notion de préjudice écologique dans la loi venant après l’absurde constitutionnalisation du principe de précaution -, les technologies, les investissements et les emplois sont aux États-Unis et en Asie.
Pendant que la France rêve d’une transition énergétique chimérique, les États-Unis la font. La double révolution des hydrocarbures non conventionnels et des énergies renouvelables permettra à l’Amérique de redevenir le premier producteur de pétrole en 2020 et de restaurer son indépendance énergétique vers 2030. Elle est déjà redevenue l’économie la plus compétitive du monde grâce à une énergie abondante et peu chère.
La France doit repenser sa stratégie autour du principe d’une énergie décarbonée et bon marché pour tous. D’où cinq priorités. Maximiser la durée de vie du parc nucléaire existant sous la seule et impérative contrainte de sa sécurité. Investir dans les technologies renouvelables rentables, à savoir l’hydraulique grâce à la multiplication et à l’ouverture à la concurrence des concessions, l’éolien terrestre et le photovoltaïque dans les seuls lieux où il s’y prête. Favoriser la recherche et l’innovation dans les réseaux intelligents, le stockage de l’électricité, la captation et la valorisation du carbone, l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures de schiste, les bâtiments à énergie positive et les véhicules électriques, où Renault dispose d’une position de leadership. Assurer la stabilité du cadre réglementaire et fiscal. Enfin, au plan européen, accélérer l’unification du marché de l’énergie et relancer le système d’échange des quotas de carbone déstabilisé par l’afflux du charbon américain dans les centrales allemandes. À ces conditions seulement, la transition énergétique pourra échapper à l’idéologie.
(Chronique parue dans Le Point du 25 juillet 2013)