L’UMP aurait-elle la volonté et les moyens de conduire la transformation du modèle français ?
L’aggravation de la crise dans notre pays au moment où la reprise s’affirme dans le monde développé, accentuée par la déroute politique de François Hollande, place la France dans une situation critique. Sur le plan économique, notre pays reste enfermé dans la croissance zéro, dans la hausse du chômage et dans la course folle des déficits et de la dette. La France est totalement isolée dans sa tentative de construire le socialisme sous la forme d’un capitalisme sans capital : la chute sans précédent de 77 % des investissements directs étrangers, l’emballement des fermetures d’usines, la destruction nette de postes dans la recherche et le développement confirment qu’elle s’est érigée en repoussoir universel pour la production et l’innovation. Sur le plan politique s’installe un climat de guerre civile froide, alimentée par un pouvoir aux abois qui tente de faire oublier son triple échec en matière de croissance, de chômage et de déficits en érigeant les questions de société en marqueurs idéologiques. Dans ces conditions, le tournant de la politique économique engagé par François Hollande, avec le seul soutien du patronat, est à la fois indispensable et très risqué. S’il devait avorter, ce nouveau cours fondé sur la réhabilitation de la production et de l’entreprise ainsi que sur la baisse des dépenses publiques et sur la remise en route du couple franco-allemand précipiterait un choc financier sur la dette française tout en discréditant le principe même des réformes. Or il se trouve pris sous le feu croisé de la faiblesse du président de la République et de l’absence de toute opposition crédible.
Les Français ont désormais une conscience aiguë de leur déclassement et de celui de la France. Leur colère est à bon droit immense contre François Hollande, qui leur a menti avant de changer de politique in extremis. Elle s’exprime par la tentation de la violence et du recours à la rue dès lors qu’elle ne peut se tourner vers une offre et un projet politiques alternatifs.
Dans une démocratie, l’opposition remplit normalement quatre fonctions : dégager un leader et des équipes aptes à gouverner ; déployer une stratégie pour conquérir le pouvoir ; élaborer un projet politique ; critiquer la majorité tout en évitant de flatter les passions collectives. Aujourd’hui, l’opposition ne répond à aucune de ces exigences, laissant le champ libre, voire faisant le jeu de l’extrémisme, qui a basculé à droite avec la ruine des classes moyennes.
Du fait de l’ombre portée de Nicolas Sarkozy, qui, dès le soir de sa défaite, s’est fixé pour objectif de prendre sa revanche sur François Hollande, comme de l’incapacité de ses compétiteurs à le supplanter, l’opposition n’a pas de leader mais se trouve écartelée entre quatre hommes : Nicolas Sarkozy, François Fillon, Alain Juppé et Jean-François Copé. La stratégie de l’UMP se réduit à la mésentente cordiale entre les dirigeants et à la désunion avec le centre, ce qui explique que le discrédit du Parti socialiste ne lui bénéficie nullement.
Aux racines de l’impuissance de l’opposition, on trouve les mêmes maux qui expliquent l’échec de François Hollande. D’abord, le déni devant les erreurs accumulées au fil des dernières décennies : force est de constater que l’embardée qui a réalisé l’euthanasie de la croissance et de l’emploi à coups de choc fiscal, de dérive des dépenses, de refus ou de report dans le temps des réformes structurelles, que les assauts de démagogie hostile à l’entreprise, au marché et à l’Europe n’ont pas débuté en 2012 mais datent de 2010. Ensuite, un pari sur la chute programmée de la gauche symétrique du calcul de François Hollande vis-vis de Nicolas Sarkozy qui exclut tout effort pour préparer un programme de redressement cohérent. Cette posture opportuniste ne garantit plus la victoire électorale, compte tenu de l’espace abandonné au Front national. Elle donne, en revanche, l’assurance de ne pouvoir ni présider ni gouverner, comme le démontre François Hollande.
En guise de projet, l’opposition se limite à appeler à la démission du président de la République, du Premier ministre et des ministres. L’UMP a certes annoncé en décembre 2013 un catalogue de mesures chocs : sortie définitive des 35 heures, retraite à 65 ans, baisse des impôts grâce à celle des dépenses publiques de 75 à 50 % du PIB, création d’un contrat de travail unique, lutte contre l’assistanat. Mais ces slogans ne sont ni adossés à une stratégie ni déclinés dans des mesures concrètes. Rien ne permet de penser que l’opposition aurait aujourd’hui la volonté et les moyens de conduire la transformation du modèle français, à rebours de l’action qu’elle a conduite et de la campagne présidentielle de 2012, placée sous le signe de l’étatisme, du protectionnisme et de la xénophobie.
Le projet pour 2017 ne peut se limiter à un copier-coller de la campagne qui fit élire Nicolas Sarkozy. Le monde développé repart après la plus grande crise depuis les années 30, mais reste sous la menace du surendettement et du chômage. La zone euro émerge de la récession, mais risque d’être happée par la déflation. La France s’est transformée en île, coupée de l’Europe et du monde. Elle est en quête d’un projet qui doit être centré sur la modernisation du modèle économique et social mais qui inscrive le renouveau national dans les valeurs de la République, en rendant un sens à la liberté et à la fraternité, fracassées par une conception absolutiste de l’égalité.
François Hollande a réalisé son aggiornamento dans les mots sinon dans les faits. Pas l’UMP, qui continue à cultiver les fléaux qui ont ruiné le pays, à ignorer la société civile et à dénoncer le libéralisme qui pourrait le sauver.
(Chronique parue dans Le Point du 06 février 2014)