Entre relance monétaire artificielles et réformes structurelles indispensables, le choix des États est tout trouvé.
Face au ralentissement de l’activité mondiale – autour de 3,3 % – et du commerce international (2,2 % en 2013), face à la faiblesse de l’inflation limitée à 2 % et à l’installation d’un chômage de masse qui touche 203 millions de personnes, face au retour des turbulences sur les marchés, la tentation se fait jour de donner la priorité à la relance sur la réforme.
La politique monétaire a été mobilisée depuis 2008 au maximum de ses capacités à travers les baisses de taux d’intérêt et les mesures non conventionnelles qui ont abondé la liquidité jusqu’à reconstituer des bulles spéculatives et dilaté les bilans des banques centrales jusqu’à mettre en péril la confiance dans la monnaie. En dehors des marges de manœuvre résiduelles de la BCE, seuls les gouvernements restent en position d’agir. Avec un dilemme : privilégier la relance, au risque d’une nouvelle crise de surendettement, ou la réforme, au risque d’une nouvelle récession.
Le débat est particulièrement vif dans la zone euro, menacée de déflation et divisée entre pays du Nord excédentaires et pays du Sud en cours d’ajustement. Il se cristallise autour de l’examen critique par la Commission du budget de la France pour 2015, de la pression exercée sur l’Allemagne pour qu’elle finance un programme de rénovation de ses infrastructures à hauteur de 50 milliards d’euros, du plan européen d’investissement de 300 milliards d’euros promis par Jean-Claude Juncker. Il est ouvert en Chine où le freinage de la croissance à 7,3 %, contre 10,1 % en moyenne entre 1980 et 2009, accroît les pressions en faveur d’une relance du crédit bancaire afin de soutenir le secteur du logement dont les ventes affichent un recul de 10,8 % en un an.
La relance de l’activité par la dépense publique n’est ni justifiée, ni possible, ni efficace. L’économie mondiale n’est nullement dans la situation de 2008 et dispose d’un potentiel de rebond du fait de la robustesse de la reprise américaine, de la résistance de l’Asie et du dynamisme de l’Afrique, de la faiblesse des taux d’intérêt, de la baisse du prix de l’énergie et des matières premières. Le surendettement des États développés (110 % du PIB) et l’envolée des dettes publiques et privées dans les pays émergents (240 % du PIB en Chine) laissent peu de marges, sauf à provoquer un nouveau krach. Les pays qui ont fait le choix de la relance pour refuser les réformes, tels la France et le Japon – via les Abenomics dont seules les deux flèches portant sur le doublement de la masse monétaire et l’augmentation du déficit budgétaire au-delà de 10 % du PIB ont été lancées – , sont sanctionnés par le blocage de la croissance et de l’emploi, la chute de la compétitivité, le double déficit public et commercial, la menace d’un choc financier sur leur dette publique.
La réforme, à l’inverse, prouve qu’elle est à même de réamorcer durablement la croissance et l’emploi qui relèvent de stratégies structurelles et non de mesures conjoncturelles. Les États-Unis se réindustrialisent et relocalisent grâce à la qualité du travail et à l’attraction des talents, à la restructuration du système financier, à la baisse du coût de l’énergie et à l’innovation, tout en ayant réduit le déficit fédéral de 10 à 2,9 % du PIB depuis 2011. En Europe, l’Irlande a renoué avec un taux de croissance de 4,7 % en reconfigurant ses banques, en imposant l’austérité et en diminuant de 20 % le coût du travail.
La Chine vient d’écarter la relance par le crédit. Le plan de relance de 40 % du PIB lancé en 2008-2009 a soutenu la croissance au prix d’un surendettement des entités publiques et des ménages, du développement d’un système financier parallèle et non régulé, de la constitution de bulles financières autour des investissements, de l’immobilier et des marchés d’action. La réforme en Chine a pour seule limite la stabilité du pouvoir du Parti communiste et pour contreparties le nationalisme et une politique de puissance pour exploiter le trou d’air diplomatique et stratégique des États-Unis.
Le choix de la réforme contre la relance est gagnant. Le choix de la relance contre la réforme est perdant. La relance ne représente plus une option compte tenu du surendettement des États ; elle joue un rôle négatif lorsqu’elle est utilisée comme un mirage pour retarder ou éluder les réformes. Les finances publiques doivent être activées pour basculer les dépenses improductives vers les usages productifs, pour accompagner les réformes en les rendant acceptables, pour coordonner les politiques au sein de la zone euro en équilibrant l’ajustement des pays déficitaires par le soutien de l’activité dans les États excédentaires. Ni la relance en Allemagne, ni un plan européen d’investissement ne pourront redresser l’économie française, homme malade du monde développé dont le salut ne dépend que des réformes que les Français sauront ou non réaliser.
(Chronique parue dans Le Figaro du 27 octobre 2014)