La crise des OQTF prouve derechef la mauvaise foi d’Alger et l’échec de la politique de réconciliation mémorielle initiée par Emmanuel Macron.
François Bayrou a décidé, au lendemain de l’attentat de Mulhouse commis par un ressortissant algérien sous OQTF dont la réadmission avait été quatorze fois refusée, de donner un nouveau cours à la relation avec l’Algérie. À l’issue d’un comité interministériel sur l’immigration, il a souhaité soumettre à Alger une liste de ses ressortissants expulsés de France dont le retour devra être autorisé d’ici quatre à six semaines. À défaut, les accords franco-algériens seront remis en question, au premier rang desquels celui du 27 décembre 1968 qui crée – sans réciprocité – un régime d’exception très favorable pour les Algériens cumulant possibilité d’entrée dans l’Hexagone avec un simple visa de tourisme, accès rapide à un titre de séjour de dix ans, transcription en droit français de la kafala qui permet le transfert de l’autorité parentale, liberté d’établissement dans le commerce et les professions libérales.
Ce tournant intervient au terme d’une longue dérive dans la relation entre Paris et Alger, qui a viré à la crise ouverte depuis la reconnaissance par la France de la marocanité du Sahara occidental. Avec pour symbole l’arrestation et l’emprisonnement arbitraires de Boualem Sansal, le 16 novembre 2024, pour « atteinte à l’intégrité du territoire national », puis le traitement de choc réservé à un écrivain de 80 ans, privé de soins (alors qu’il souffre d’un cancer de la prostate) comme de la possibilité d’assurer sa défense avec l’avocat de son choix – François Zimeray ayant été récusé par les autorités algériennes en tant que juif ! De même, les relations commerciales sont en chute libre du fait d’Alger, avec un recul des échanges de 4,3 % en 2024, lié notamment à la fermeture du marché aux exportations de produits agricoles français.
La France, bouc émissaire idéal
Cette poussée de fièvre acte l’échec définitif de la politique de réconciliation mémorielle qui constituait l’un des axes forts de la diplomatie d’Emmanuel Macron depuis 2017. Elle a consisté à se soumettre au narratif de la junte algérienne, qui a assis sa légitimité sur la haine de la France. Elle l’exporte désormais sur notre territoire à travers les 20 consulats, les 700 mosquées et les imams pilotés par la Grande Mosquée de Paris qui encadrent la diaspora de 2,5 millions de personnes, comme à travers les influenceurs qui poursuivent sur les réseaux sociaux une guerre de l’information contre la France sur le modèle de celle remportée par la Russie en Afrique.
La France sert ainsi de bouc émissaire au régime algérien pour occulter son échec économique ainsi que la confiscation du pouvoir et des idéaux de la révolution de 1954 par la junte militaire qui se cache sous l’État-FLN depuis l’indépendance.
L’Algérie constitue avec le Venezuela le meilleur exemple de la malédiction des matières premières. Les richesses colossales du pays ont été dilapidées par l’adoption d’un modèle socialiste d’économie dirigée et confisquées par une dictature corrompue. Sous l’apparente embellie liée à l’envol du prix des hydrocarbures depuis l’invasion de l’Ukraine qui a porté la croissance à 3,8 % en moyenne depuis 2022, pointe une économie de rente entièrement dépendante des hydrocarbures qui ont représenté 86 % des exportations et 60 % des recettes budgétaires depuis 2019. La diversification et le développement du secteur privé restent lettre morte, tandis que le déficit budgétaire atteint 7 % du PIB. Alors que l’Algérie dispose de tous les atouts pour compter parmi les grands émergents, elle est enfermée dans une spirale de paupérisation, marquée par la stagnation du revenu par habitant autour de 5 200 dollars par an et par un chômage de masse (13 % et jusqu’à 31 % pour les jeunes).
Sortir du carcan mémoriel
Le blocage du développement est indissociable de l’immobilisme du système politique. Le régime, organisé autour des services de sécurité, s’est rétabli avec l’aide de l’épidémie de Covid sous la présidence d’Abdelmadjid Tebboune, réélu en septembre 2024 avec 95 % des voix. Mais il a perdu toute légitimité avec le Hirak et ne survit que par la répression. La véritable omerta ne porte nullement sur la guerre d’Algérie, qui a fait l’objet d’innombrables livres et travaux universitaires, mais sur la guerre civile des années 1990 qui fit entre 150 000 et 200 000 morts et qui ne fut dénouée que par l’alliance avec les islamistes, conclue par Abdelaziz Bouteflika en 2004.
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Chronique parue dans Le Point du 10 mars 2025