Axe Trump-Poutine, éclatement de l’Occident et de l’Otan… La course à la guerre est lancée, comme dans les années 1930. Au pied du mur, la France doit, d’urgence, se réarmer.
L’invasion de l’Ukraine a fait basculer l’histoire du XXIe siècle, bouleversant la sécurité de l’Europe et de la France. Celles-ci se trouvent en première ligne face à la menace existentielle de la Russie de Vladimir Poutine et au retour de la guerre de haute intensité sur le continent. La révolution conservatrice de l’Amérique de Donald Trump, autoritaire, protectionniste et impériale, voit les États-Unis non seulement retirer leur garantie de sécurité sur l’Europe et abandonner l’Ukraine, mais s’aligner sur les principes et les revendications de la Russie. La victoire politique offerte à Vladimir Poutine, qui n’entend pas s’en tenir à l’Ukraine mais reconstituer l’empire soviétique, l’éclatement de l’Occident et le délitement de l’Otan créent une dynamique de course à la guerre sur notre continent sans précédent depuis les années 1930.
Alors que sa liberté et sa paix sont en très grand péril, l’Europe se découvre désarmée et totalement dépendante des États-Unis, qui la traitent désormais en adversaire, voire en ennemie, envisageant de négocier un nouveau Yalta afin de l’éloigner de la Chine. Loin des propos rassurants de ses dirigeants, qui répètent les erreurs de l’entre-deux-guerres en se vantant de disposer de la première armée d’Europe, la France est tout aussi fragilisée par cette nouvelle donne stratégique, comme le prouve la débâcle enregistrée en Afrique. Sa sécurité repose en effet sur une succession d’illusions : la protection absolue que fournirait la dissuasion nucléaire, devenue une nouvelle ligne Maginot ; le pari fait sur les États-Unis – avec la présence de 90 000 hommes – et sur l’Otan pour assurer la sécurité de l’Europe ; le rempart que fourniraient l’Allemagne et la Pologne face à la Russie ; la prétention à conserver un modèle complet d’armée opérant des fonds marins à l’espace, de l’Afrique à l’Indo-Pacifique.
La France n’est pas prête pour faire face à une guerre
Un système de défense résulte de la combinaison d’une posture stratégique, d’un modèle d’armée et d’une base industrielle. Pour la France, il a été redessiné après la chute du mur de Berlin autour du choix d’une armée professionnelle, de la réduction de la dissuasion au strict seuil de suffisance et d’un noyau de forces conventionnelles spécialisées dans les opérations extérieures, notamment en Afrique. Ce système est caduc, car incapable de répondre à la montée des menaces des empires autoritaires et du djihadisme comme de faire face à une guerre de haute intensité en Europe. La loi de programmation militaire a certes réinvesti dans la défense en lui affectant 413 milliards d’euros entre 2024 et 2030, mais elle n’a engagé ni un véritable réarmement, ni une transformation de son modèle d’armée. Le positionnement comme puissance d’équilibre n’a aucun sens dans un monde en guerre.
L’armée conventionnelle n’est plus crédible, car elle ne dispose ni des hommes (déploiement maximal de deux brigades blindées, soit 15 000 soldats pendant six mois), ni des équipements (drones, frappes dans la profondeur, défense antiaérienne, satellites) pour affronter un conflit de haute intensité. Notre industrie de défense peine à remonter en puissance en raison de décennies de sous-financement, de la désintégration de la filière de l’armement terrestre et du retard accumulé dans des technologies clés comme les drones ou l’IA.
La France, comme les autres pays européens, se trouve au pied du mur. Elle doit choisir entre le réarmement, qui constitue la meilleure chance de paix, ou la soumission aux tyrannies et aux djihadistes avec le renoncement à sa souveraineté, à son indépendance et à sa civilisation. Elle dispose certes d’atouts majeurs : la dissuasion, des armées ayant conservé l’expérience du combat et des pôles industriels d’excellence. Mais tout est à repenser et à reconstruire. Aux antipodes d’une nouvelle revue stratégique bâclée et déconnectée des réalités, il faut ouvrir largement le débat pour redéfinir notre défense et clarifier quelques points clés.
Que voulons-nous faire ?
Garantir en toutes circonstances notre souveraineté et la continuité de la vie nationale, tout en contribuant à la défense autonome de l’Europe face aux empires autoritaires, tout particulièrement face à la Russie pour la dissuader de poursuivre son expansion impériale (les dépenses militaires de Moscou en 2024 se sont élevées à 462 milliards de dollars contre 457 milliards pour l’Europe).
Avec qui le faire ?
La défense de nos intérêts vitaux comprend à l’évidence l’Europe, au moment où les États-Unis, s’ils ne sont pas encore des ennemis, ne peuvent plus être considérés comme des alliés. La défense de l’Europe doit être reconstruite autour d’un directoire composé de la France, du Royaume-Uni, de l’Allemagne, de la Pologne, de l’Italie et de l’Espagne, à l’exclusion de l’Union, dont ce n’est pas la compétence et dont le rôle doit se limiter à faciliter le financement du réarmement, à sortir l’industrie de défense du carcan réglementaire qui l’étouffe, à dynamiser l’innovation, à protéger les infrastructures et à sécuriser les frontières du continent.
Comment le faire ?
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Chronique parue dans Le Point du 28 février 2025