Pourquoi la France aurait tout à gagner en signant le traité./strong>
Le projet de traité commercial avec le Mercosur a relancé la crise agricole qui couvait depuis l’hiver dernier. Les blocages et les opérations coup de poing se sont multipliés. La mobilisation des agriculteurs est légitime, compte tenu de leur situation critique et de l’inaction des pouvoirs publics français pour y remédier. Mais sa cristallisation sur le Mercosur est absurde, illustrant la spirale perverse, entre corporatisme et démagogie, qui se trouve à l’origine de la chute de l’économie française.
Le calendrier retenu par la Commission européenne est assurément désastreux. Il entend forcer la signature d’un traité négocié depuis un quart de siècle au beau milieu d’un soulèvement de l’agriculture européenne contre la PAC, au cœur d’une année calamiteuse pour l’agriculture française, alors même que l’Allemagne et la France s’enfoncent dans une crise économique et politique, et enfin au moment précis où les ÉtatsUnis, avec l’élection de Donald Trump, effectuent un tournant protectionniste radical. Pour autant, la dénonciation unanime du Mercosur, des Insoumis au RN en passant par Emmanuel Macron, comme la surenchère de syndicats radicalisés par la perspective des élections aux chambres d’agriculture de janvier 2025, est aussi infondée que vaine.
Le Mercosur constitue le 5e marché du monde, avec 280 millions de consommateurs. Les parts de marché de l’Union y ont reculé de 35 à 17 % en vingt ans, principalement au bénéfice de la Chine. Le traité porte à 90 % sur les activités industrielles, quand son volet agricole est acté depuis 2019. Alors même que l’Union et la France sont en excédent, le Mercosur permettra de relancer très fortement les exportations européennes dans l’automobile, la chimie, le textile ou la pharmacie, mais aussi dans les filières du vin, du lait et du fromage en raison de la réduction drastique des droits de douane, de 27 à 0 %. Les importations agroalimentaires en provenance du Mercosur feront l’objet d’un encadrement strict. Enfin, le traité prévoit la protection de quelque 400 appellations européennes d’origine contrôlée.
Dans le contexte de l’éclatement de la mondialisation et de la montée des tensions géopolitiques, le Mercosur présente également un intérêt stratégique. Il est déterminant pour la sécurité économique de l’Europe, en lui permettant d’accéder aux matières premières essentielles, à la révolution numérique et à la transition écologique que la Chine cherche à monopoliser. Il permet de ne pas abandonner l’Amérique latine à Pékin et de contrer l’alignement du Sud sur les empires autoritaires. Il laisse une chance au multilatéralisme, indispensable pour gérer les risques planétaires, et freine la généralisation du protectionnisme.
Par ailleurs, les prises de position appelant la France à ne pas signer le traité ou à exercer son droit de veto sont purement rhétoriques et déconnectées de la réalité. La partie commerciale du traité relève de la seule compétence de la Commission et d’un vote à la majorité qualifiée de 15 États sur 27. La France ne dispose donc d’aucun droit de veto. Les menaces brandies contre le Mercosur ne relèvent que de postures démagogiques.
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Chronique parue dans Le Point du 28 novembre 2024