La résurgence du chômage de masse n’est pas liée à un trou d’air de la conjoncture mais au cumul de trois chocs dont les effets seront durables.
La permanence du chômage de masse constitue une exception française. Contrairement aux grands pays développés, notre pays n’a jamais renoué avec le plein-emploi depuis les chocs pétroliers. Le taux de chômage n’a ainsi jamais été inférieur à 7 % de la population active depuis 1977. Alors qu’il avait atteint 10,4 % durant le quinquennat de François Hollande, il a diminué sous les présidences d’Emmanuel Macron jusqu’à 7,2 %, tout en restant très supérieur au seuil du plein-emploi fixé à 5 % – que respectent les États-Unis (4,1 %) et le Royaume-Uni (4,3 %).
Or, depuis l’été 2024, le marché du travail français connaît un brutal retournement. Le taux de chômage est remonté à 7,4 % et culmine à 19,7 % chez les jeunes. Il s’élèvera à 7,5 % à la fin de l’année et tendra vers 8 % à fin 2025, en raison de l’envol des faillites d’entreprise et des plans sociaux – à l’image de Michelin, Auchan, Airbus Défense – ainsi que de l’arrêt des embauches. La résurgence du chômage de masse n’est pas liée à un trou d’air de la conjoncture mais au cumul de trois chocs dont les effets seront durables.
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L’éclatement de la mondialisation en blocs rivaux place l’Europe dans une position de grande vulnérabilité entre le renouveau industriel des États-Unis et le dumping industriel de la Chine. La tenaille se resserre spectaculairement avec le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche. D’un côté, la production sur le territoire américain sera dopée par la chute du prix de l’énergie, la diminution de la fiscalité sur les entreprises, la débureaucratisation et la déréglementation pilotées par Elon Musk. De l’autre, les exportations chinoises vers les États-Unis pénalisées par des droits de douane de 60 %, se déverseront sur le grand marché européen.
Fautes de politique économique
L’Union européenne est enfermée dans une grande stagnation en raison de sa stratégie malthusienne fondée sur l’euthanasie de la production par le renchérissement de l’énergie, les normes et les taxes qui dissuadent l’investissement et l’innovation. À ceci s’ajoute la crise du modèle économique de ses grandes nations : mercantilisme allemand, décroissance à crédit française, dépression et surendettement italiens, surtourisme espagnol. Le coup de grâce a été porté en France par la crise politique déclenchée par la dissolution et par le projet de loi de finances pour 2025. Alors que son contenu final et son vote demeurent incertains, il a gelé l’activité et provoqué un violent ajustement à la baisse de l’investissement et de l’emploi en prévoyant d’infliger à une économie exsangue un choc fiscal de 30 milliards d’euros dont 22 milliards à la charge des entreprises. Soit plus de 0,8 % du PIB alors que les prélèvements qu’elles supportent s’élèvent déjà à 12,6 % du PIB, contre 9,3 % en Allemagne.
Le projet de loi de finances préparé par le gouvernement est destructeur pour l’emploi et constitue une nouvelle illustration des fautes de politique économique qui ont précipité le déclassement de l’économie française. L’application aux grandes entreprises d’un taux d’IS de 35 % parmi les plus élevés du monde développé et de plus de 8 milliards d’euros de prélèvements les contraint à couper dans leurs effectifs et dans les contrats passés avec leurs sous-traitants. Les pôles d’excellence qui constituent l’ultime môle de résistance de notre économie sont touchés de plein fouet, à l’image du luxe ou de l’aviation. La filière automobile, en grande difficulté, voit les véhicules thermiques taxés à hauteur de plus de 1 milliard d’euros et le bonus pour les véhicules électriques des flottes qui permettaient de créer un marché de l’occasion résilié. Confrontée à une diminution de 30% de ses ventes, elle planifie désormais la suppression de 100.000 de ses 560.000 emplois.
Dans le même temps, le prix de l’électricité se trouve renchéri par un prélèvement de 3 milliards d’euros sur EDF et par le triplement des taxes sur l’électricité, dissuadant les investissements requis par la transition écologique et freinant la décarbonation de l’économie. Le coût du travail est fortement augmenté par la réduction drastique des allégements de charges sur les emplois non qualifiés, qui compensaient partiellement leur manque de compétitivité. Enfin, le durcissement du crédit d’impôt recherche supprime toute incitation à l’emploi de doctorants par les entreprises, pourtant vital pour la recherche et l’innovation.
Volume et productivité
La loi de finances se résume donc à une machine à détruire l’activité et l’emploi en France ainsi qu’à délocaliser la production, les investissements et le développement, tout particulièrement vers les États-Unis. Elle annihilera la croissance, relancera le chômage et entraînera une nouvelle dégradation des finances publiques, car les dépenses croîtront plus vite que les recettes et que la dette publique – qui s’envolera au-dessus de 115 % du PIB – progressera plus rapidement que la richesse nationale.
Ce désastre n’a rien de fatal. L’élection de Donald Trump constitue un électrochoc qui ne doit pas seulement réveiller l’Europe, mais aussi la France. Le projet de loi de finances pour 2025 est mort-né. Son examen par le Sénat fournit l’occasion d’une réorientation radicale avec le remplacement des hausses d’impôts par des suppressions effectives de dépenses. Surtout, le redressement des finances publiques doit prendre place dans une stratégie de transformation, à l’image des expériences de modernisation réussies par l’Europe du Nord, l’Irlande ou le Portugal.
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Chronique parue dans Le Figaro du 17 novembre 2024