La mission du multi-entrepreneur consiste à trouver 2 000 milliards de dollars d’économies.
Fort de sa victoire totale et du contrôle par les républicains du Sénat, de la Chambre des représentants et de la Cour suprême, Donald Trump entend placer son second mandat sous le signe d’une révolution. Trois objectifs : la grandeur de l’Amérique par le protectionnisme et l’isolationnisme ; la relance de l’économie par la baisse des impôts sur les entreprises et la déréglementation ; la réforme drastique de l’État à partir de l’entreprise. Il met aujourd’hui à profit la période de transition pour composer un gouvernement de personnalités détonantes, unies par l’allégeance à sa personne au service d’une transformation radicale de l’Amérique. Le contraste est total avec la commission présidée par Ursula van der Leyen, assemblage improbable dont les portefeuilles garantissent l’incapacité à agir.
Une figure symbolise la volonté de rupture : Elon Musk. L’homme le plus riche des États-Unis est nommé à la tête du Department of Government Efficiency (Doge), acronyme rappelant la cryptomonnaie dont il s’est fait le parrain. Il partagera le pilotage avec Vivek Ramaswamy, sans poste gouvernemental afin de conserver la direction de sa galaxie : Tesla, SpaceX, X, Neuralink et autres.
Musk entend appliquer à la bureaucratie la thérapie de choc qui a révolutionné l’automobile et le spatial
Sa mission, qualifiée par Trump de « projet Manhattan de notre époque », vise 2 000 milliards de dollars d’économies sur les 6 800 milliards de dépenses fédérales d’ici le 4 juillet 2026, 250e anniversaire de la Déclaration d’indépendance. Le pari semble impossible. Les dépenses obligatoires s’élèvent à 3 800 milliards, dont 1 700 pour Medicaid et Medicare et 1 200 pour les retraites. La dette publique coûte 882 milliards en 2024. Les dépenses discrétionnaires atteignent 3 000 milliards, dont 1 100 d’aides aux États. Il est exclu de les diviser par deux, d’autant que le budget relève du Congrès.
Pourtant, Musk n’est pas condamné à l’échec. L’objectif de 2 000 milliards, brandi durant la campagne, n’a jamais été précisé et pourrait être atteint d’ici 2030. Sa stratégie de mobilisation du numérique pour augmenter la productivité des services publics est cohérente avec la volonté de déréglementer. Elle implique le reclassement d’une partie des 23,5 millions de fonctionnaires vers le privé, qui emploie 135 millions de personnes mais manque de maind ’oeuvre.
Musk entend appliquer à la bureaucratie la thérapie de choc qui a révolutionné l’automobile et le spatial : remise en cause des procédures, suppression des composants superflus, simplification, accélération, automatisation. Son engagement personnel l’a conduit à vivre dans les usines qu’il réorganisait. Il prévoit de réduire les agences fédérales de 441 à une centaine.
L’innovation de rupture testée dans l’industrie peut-elle être transposée aux services publics ? L’irruption de Musk crée des risques majeurs de conflits d’intérêts : SpaceX a reçu 15,4 milliards de financements publics et ses entreprises font l’objet d’enquêtes fédérales. Son investissement de 132 millions dans la campagne Trump s’avère rentable avec la hausse de 32 milliards des actions Tesla et SpaceX. L’alliance d’un dirigeant au tempérament despotique avec l’homme le plus riche des États-Unis menace la démocratie.
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Chronique parue dans Le Point du 31 octobre 2024