Avec la loi de finances annoncée, la faillite de l’État va se payer de la ruine des entreprises françaises.
La loi de finances pour 2025 risque de porter le coup de grâce à l’industrie automobile française (ici, le site de Poissy de PSA Stellantis). © Vincent Isore/IP3 Press/MaxPPP
La France a perdu le contrôle de ses finances publiques, avec un déficit qui atteindra 6,2 % du PIB en 2024, alors qu’il était prévu à 4,4 %. La dette s’élève désormais à 112 % du PIB et son service à 55 milliards d’euros. Le caractère insoutenable de cette bulle spéculative a conduit la Commission européenne à engager en juillet 2024 une procédure pour déficit excessif contre la France et l’agence Fitch, à placer sa dette sous surveillance négative. La crise financière n’est plus un risque mais une réalité, puisque notre pays emprunte désormais à des taux plus élevés que l’Espagne et la Grèce, ce qui acte son déclassement.
Le Premier ministre, lors de son discours de politique générale du 1er octobre, s’est fixé, à juste titre, pour objectif de ramener le déficit public à 5 % du PIB en 2025 et à 3 % du PIB en 2029. Le projet de loi de finances prévoit ainsi un effort inédit de 60 milliards d’euros en 2025. Mais, contrairement aux annonces initiales, il n’engage aucune réduction effective des 1 600 milliards de dépenses publiques et prévoit plus de 30 milliards de hausses d’impôts, dont plus des deux tiers, soit 22 milliards, sont mis à la charge des entreprises.
Chute de la compétitivité
L’économie française s’apprête donc à subir un choc fiscal de 1,1 % du PIB, qui sera supporté à hauteur de 0,8 % du PIB par les entreprises, alors qu’elles acquittent déjà des prélèvements représentant 12,6 % du PIB, contre 9,3 % du PIB en Allemagne. L’effet sera dévastateur pour la croissance – avec une perte minimum de 0,8 point d’activité – comme pour l’emploi, avec une remontée du chômage à 8 % de la population active.
Les finances publiques connaîtront une nouvelle dégradation, car le rendement par ailleurs incertain des nouvelles taxes sera annihilé par la chute de l’activité, les dépenses croîtront plus vite que les recettes et la dette publique – qui s’envolera au-dessus de 115 % du PIB – progressera plus rapidement que la richesse nationale. La ponction fiscale sera parfaitement vaine faute de diminution des dépenses.
Les conséquences à long terme sont pires encore. La chute de la compétitivité des entreprises s’accompagnera d’une vague de délocalisation de capitaux et de sociétés ainsi que de l’arrêt des investissements étrangers, accélérant ainsi l’attrition de l’appareil de production, qui constitue la première raison du décrochage de l’économie française.
Les PME durement frappées
Les mesures fiscales portées par le projet de loi de finances, et durcies par l’Assemblée nationale, ciblent en effet les filières industrielles clés qui constituent l’ultime môle de résistance de notre économie : l’aviation, l’automobile, l’énergie, le luxe.
Et ce, au moment même où elles se trouvent confrontées à la dépression de l’activité dans la zone euro, au renouveau manufacturier américain avec l’IRA (l’Inflation Reduction Act) et à la menace d’une hausse de 10 à 20 % des droits de douane en cas d’élection de Donald Trump, enfin aux formidables surcapacités accumulées par la Chine à grand renfort de dumping.
Les grandes entreprises vont se voir appliquer un taux d’impôt sur les sociétés de 35 %, parmi les plus élevés du monde développé, et des prélèvements de plus de 8 milliards d’euros. Or, elles jouent un rôle décisif dans les exportations et la recherche tout en constituant des têtes de filières vitales pour les dizaines de milliers d’entreprises qui dépendent de leurs commandes. Loin d’être épargnées, les PME seront ainsi très durement frappées par la relocalisation à l’étranger des centres de production et de recherche des groupes internationalisés.
Les secteurs en difficulté maltraités
Les secteurs d’excellence sont particulièrement visés par les diverses contributions, présentées comme exceptionnelles et provisoires mais que l’Assemblée a décidé de rendre permanentes. Le secteur du luxe est en première ligne – LVMH, à lui seul, se voyant imputer 10 % du supplément d’IS, soit 700 à 800 millions d’euros –, alors même qu’il se trouve en plein ralentissement avec le dégonflement de la bulle post-Covid et la fin des Quarante Glorieuses de la Chine.
L’aérien, dans une situation de grande fragilité dont témoignent les déboires de Boeing, est taxé de plus de un milliard d’euros, au risque de déstabiliser la position de leader d’Airbus dans l’aviation de ligne et de Dassault dans l’aviation d’affaires.
Ces taxes s’ajoutent aux quelque 16 milliards d’euros de pénalités européennes dues en 2025 en raison de l’impossibilité de faire progresser les ventes de voitures électriques de 12,5 % à 20 % du marché, alors qu’elles sont en chute de 8 % en raison de leur faible autonomie, de leur manque de fiabilité, de l’absence de recharges et de leur coût prohibitif. La ruine de l’industrie automobile est donc programmée, avec, à la clé, la suppression de plus de 100 000 emplois sur les 560 000 que compte la filière. Et ce pour le plus grand bonheur des constructeurs chinois, dont les pouvoirs publics français et européens construisent méthodiquement le monopole.
Faciliter la révolution numérique
Il en va de même pour la chimie, dont la survie est conditionnée à son exil vers les États-Unis du fait des coûts de l’énergie. La même incohérence s’observe avec le quasi-triplement des taxes sur l’électricité qui passent de 21 à 40, voire 50 euros par mégawattheure (MWh), alors que la consommation est en baisse de 8 % par rapport à 2014-2019.
L’attractivité de l’électricité s’en trouvera ruinée, dissuadant les investissements requis par la transition écologique et freinant la décarbonation de l’économie. Dans le même temps, la forte réduction des allègements de charges, qui compensaient partiellement le surcoût du travail, notamment sur les emplois peu qualifiés, accélérera la remontée du chômage.
Le Kangourou du jour Répondre Le rétablissement des finances publiques des pays scandinaves, de l’Irlande, du Portugal ou de la Grèce montre que le désendettement ne peut être obtenu que par une action coordonnée, à la fois budgétaire et économique.
[…]
Lire la suite de l’éditorial sur lepoint.fr
Chronique parue dans Le Point du 24 octobre 2024