Sous l’effondrement financier pointe une autre débâcle non moins inquiétante : celle de l’image de notre pays en Europe et dans le monde.
Comme François Mitterrand avec la relance à contre-courant et la construction du socialisme dans un seul pays, Emmanuel Macron a mis la France en faillite avec sa stratégie du « quoi qu’il en coûte ». En 2024 comme en 1983, à l’image de la Grèce en 2009, notre pays doit choisir entre la thérapie de choc ou la mise sous tutelle par le FMI, désormais assisté par l’Union européenne et la BCE. Mais, sous l’effondrement financier, pointe une autre débâcle non moins inquiétante, qui touche au statut et à l’image de notre pays en Europe et dans le monde.
À Villers-Cotterêts, depuis la Cité internationale de la langue française, où se tenait un sommet de la francophonie déserté par les chefs d’État africains, qui se pressent à Pékin et à Moscou, Emmanuel Macron a provoqué un tollé en appelant à un boycott international des livraisons d’armes à Israël. Cette déclaration faite à la veille des commémorations des massacres du 7 Octobre lui a valu une réplique cinglante et justifiée de Benyamin Netanyahou. Le même Emmanuel Macron proposait il y a un an de former une coalition internationale contre le Hamas s’inspirant de celle formée sous la direction des États-Unis pour éradiquer l’État islamique. Il observe aujourd’hui un silence respectueux vis-à-vis du Hamas et du Hezbollah, qui ont enlevé, torturé et tué nombre de citoyens et de soldats français. Comprenne qui pourra !
Le même jour, le président Abdelmadjid Tebboune célébrait sa réélection avec 84,3 % des voix, en expliquant que « l’Algérie avait été choisie pour le grand remplacement, le vrai grand remplacement consistant à chasser la population locale pour ramener une population européenne avec des massacres, avec une armée génocidaire ». Il couronnait ainsi sept années de diplomatie mémorielle et de soumission d’Emmanuel Macron à la propagande de la dictature algérienne.
Cet octobre noir de la diplomatie française au Moyen-Orient et au Maghreb ne constitue pas un accident isolé. Emmanuel Macron a systématiquement détruit la position extérieure de notre pays, y compris dans l’Union européenne, qui était censée constituer sa priorité ainsi que la boussole de son action. Il a ramené la France à la fin de la IVe République, quand elle était l’homme malade de l’Europe et la risée du monde.
Une rupture majeure est ainsi intervenue en Afrique de l’Ouest, dont la France a été évincée par l’alliance des juntes et des populistes avec la Russie sur le plan militaire et la Chine sur le plan économique. Venant après les putschs au Mali, au Burkina Faso, au Niger et au Gabon, la victoire de Bassirou Diomay Faye et Ousmane Sonko au Sénégal enterre la présence française. Avec pour symbole, le démantèlement programmé de la zone CFA, qui constituait le moteur de l’intégration régionale. Jusqu’à Emmanuel Macron, tous se tournaient vers la France pour traiter des problématiques africaines ; désormais, on s’en détourne. Il en va de même en Asie-Pacifique, où le maintien de la France est gravement compromis par le chaos dans lequel a versé la Nouvelle-Calédonie du fait de l’irresponsabilité qui a présidé au projet de réforme du corps électoral.
La diplomatie française a également accumulé les revirements et les revers à propos des guerres d’Ukraine et de Gaza, qui ouvrent une nouvelle ère stratégique et constituent la matrice du XXIe siècle. Après avoir témoigné d’une complaisance inouïe envers Vladimir Poutine en continuant à dialoguer avec lui plusieurs mois après l’invasion de l’Ukraine, le président de la République a basculé dans un interventionnisme débridé, proposant d’envoyer des troupes au sol que même Volodymyr Zelensky n’a jamais demandé – et ce tout en restant parmi les derniers pays en termes d’aide militaire à Kiev. Dans la lignée du fiasco de sa médiation mort-née au Liban après l’explosion du port de Beyrouth due à la corruption du Hezbollah, il n’a cessé d’osciller au Moyen-Orient. Sa perte de crédibilité est telle que la France est désormais tenue à l’écart des discussions stratégiques entre les grandes démocraties occidentales, comme on l’a vu au sommet du G7 de Borgno Egnazia à propos du Moyen-Orient et des risques d’escalade avec l’Iran.
La relance de l’Union européenne, mise en scène par les discours de la Sorbonne, était présentée comme le grand dessein d’Emmanuel Macron. Or l’éviction de Thierry Breton de la Commission, venant après la disparition de notre pays du Parlement, acte politiquement le déclassement économique et financier de la France. L’Union se construit désormais sans elle, voire contre elle, à l’image de la nomination de deux militants antinucléaire radicaux, l’Espagnole Teresa Ribera Rodriguez et le Danois Dan Jorgensen, à la transition écologique et à l’énergie. La relégation de la France a pour corollaire la prise de contrôle de l’Union par l’Allemagne, en dépit de la crise de son modèle mercantiliste et de l’impasse de ses choix énergétiques. Avec une vision dont Ursula von der Leyen est la dépositrice, qui repose sur l’intégration de l’Europe dans un ensemble nord-américain, l’hostilité au nucléaire civil et militaire, la délégation de la sécurité aux États-Unis à travers l’Otan, la prudence vis-à-vis de la Russie et la complaisance à l’égard de la Chine, le couplage de l’élargissement rapide avec la systématisation du vote à la majorité qualifiée. Soit autant d’atteintes aux intérêts vitaux de la France qui vont de pair avec l’annihilation du projet d’une Europe-puissance remis à l’ordre du jour par Mario Draghi.
La France est seule responsable de son abaissement international. Le krach de notre diplomatie doit beaucoup au discrédit d’Emmanuel Macron, pour lequel les dirigeants étrangers n’ont plus que défiance et mépris. Il est aussi lié à la suppression du corps diplomatique qui a soumis le Quai d’Orsay au fait du prince, au règne de l’amateurisme et de la courtisanerie. Mais les raisons structurelles dominent. Elles renvoient à la paralysie des institutions de la Ve République, à l’inefficacité de l’État, au décrochage économique, à la perte de contrôle de nos finances publiques, à l’éclatement de la société et au clientélisme électoral qui asservit la diplomatie à la politique intérieure.
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Chronique parue dans Le Figaro du 13 octobre 2024