Pénurie de locations, chute des mises en construction, difficultés d’accès à la propriété… Tous les voyants sont au rouge.
Rien n’illustre mieux la situation critique dont hérite Michel Barnier, cumulant stagnation économique, explosion des faillites, crise des finances publiques et paupérisation des Français, que le secteur du logement. Alors qu’il constitue avec la santé, l’éducation et la sécurité l’un des services de base vitaux pour les Français, alors qu’il représente un tiers des dépenses des ménages, alors qu’il est déterminant pour l’intégration et la cohésion sociales, il n’a pas été seulement abandonné mais méthodiquement détruit par Emmanuel Macron et ses gouvernements, au nom d’un préjugé absurde qui l’assimile à une rente.
La France connaît une crise du logement sans précédent depuis les années 1950. Les mises en chantier chutent de 23 % en 2024, après avoir perdu 24 % en 2023 et 5 % en 2022 : on a commencé à construire 250 000 logements, soit le niveau le plus faible depuis la IVe République. Les ventes s’effondrent de 24 %, et même jusqu’à 41 % pour les maisons individuelles. Les rénovations sont en baisse de 22,5 %, notamment du fait de la réforme catastrophique du dispositif MaPrimeRénov’. Seules progressent de 25 % les ventes en blocs, mais de manière artificielle puisqu’elles correspondent à l’achat de 47 000 logements sociaux par la Caisse des Dépôts et Action Logement au détriment de leurs propres programmes et de leur structure financière.
Dans l’ancien, le nombre des transactions est revenu en dessous de 750 000, en diminution de 30 % par rapport à 2023. En dépit du blocage du marché, les prix (5 000 €/m2 en moyenne) ne baissent pas dans le neuf, en hausse de 30 % par rapport à 2015 en raison de l’inflation du prix des matières premières et du nombre de normes, et n’affichent qu’une légère correction de 7 % dans l’ancien.
Le krach du logement constitue une catastrophe économique, car ce secteur génère 10 % du PIB et 9 % des emplois. Les pertes pour le PIB sont ainsi estimées à 0,4 % en 2023 et à 0,5 % en 2024 pour une croissance respective de 0,7 et de 1 %, et 100 000 emplois ont été détruits ces deux dernières années. La désintégration de la filière coûte aussi très cher aux finances publiques puisque l’immobilier produit plus de 90 milliards de recettes pour 38 milliards de concours. Le manque à gagner pour les collectivités locales s’élève ainsi à plus de 5 milliards par an. Enfin, le manque de logements contribue au chômage de masse en interdisant la mobilité géographique des actifs.
Pénurie de logements sociaux
Mais la bombe est avant tout politique et sociale. Aujourd’hui, 2,7 millions de ménages sont en attente d’un logement social. La pénurie, qui porte aujourd’hui sur 2 millions de logements, devrait doubler d’ici à 2030, puisque le déficit de construction est estimé à 450 000 par an au regard de la hausse de la population ainsi que des changements dans sa répartition sur le territoire et dans ses modes de vie. Elle rend inéluctable l’essor du mal-logement comme la hausse des prix de l’immobilier et des loyers, qui pèsera lourdement sur le niveau de vie. La paupérisation et le déclassement programmés des Français constituent autant de moteurs du populisme et d’armes de destruction massive de notre démocratie.
La norme zéro artificialisation nette des sols limite et renchérit le foncier disponible. Le durcissement des normes énergétiques fait s’envoler les coûts de construction tout en déclassant plus de 7 millions de logements sur un parc de 33 millions de résidences principales. La suppression de la taxe d’habitation entraîne une explosion de la taxe foncière et supprime toute incitation pour les élus à accepter de nouvelles constructions.
Un laboratoire pour Michel Barnier
La relance du logement représente donc pour Michel Barnier une urgence et un laboratoire idéal pour la rupture qu’il entend incarner. Pour être tardive et lente, la baisse des taux enclenchée par la BCE est positive, mais elle ne suffira pas à ranimer le marché ni à sauver la filière. Il faut repenser totalement la politique du logement autour de la lutte contre la pénurie et l’habitat insalubre. Et pour cela libérer l’offre, solvabiliser la demande, simplifier la régulation, supprimer le caractère confiscatoire de la fiscalité.
Du côté de l’offre, la priorité va à la libération du foncier par la suspension du principe malthusien zéro artificialisation nette, qui planifie la pénurie tout en incitant à consommer vite et mal une ressource vouée à disparaître ; par la mobilisation des terrains disponibles via la diminution des droits de mutation ou de succession ; par l’incitation aux démolitions et à la conversion de bureaux en logements à travers l’attribution de droits à construire comme la réorientation des crédits de MaPrimeRénov’, dispositif actuellement aussi inefficace sur le plan économique qu’écologique. Par ailleurs, le secteur du logement social devrait être sorti de son immobilisme par la mobilité obligatoire des occupants qui n’en relèvent plus et par un vaste plan de cession d’actifs qui permettrait de financer de nouveaux programmes.
Du côté de la demande, il est essentiel d’accompagner la baisse des taux en relançant les dispositifs de soutien qui ont été désarmés. L’élargissement du prêt à taux zéro a vocation à réintégrer notamment la maison individuelle, plébiscitée par les Français. Le dispositif Pinel, qui neutralise la surfiscalisation de l’immobilier pour les particuliers, doit être pérennisé et centré sur le locatif à long terme, qu’il s’agisse de logement social, intermédiaire ou libre.
Le poids des normes
La condition première de la relance du secteur du logement reste un contre-choc règlementaire et fiscal. La reprise du marché de la location, en voie d’extinction, implique un rééquilibrage des droits et des obligations en faveur des propriétaires. Les normes de construction ne concernant ni la sécurité ni la santé (appartements traversants, parkings obligatoires alors que l’on encourage le vélo et les transports en commun, systèmes complexes de ventilation, murs végétalisés…) doivent être suspendues et le calendrier sur les normes énergétiques assoupli. Enfin, il est impératif d’encadrer strictement les taux de la taxe foncière.
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Chronique parue dans Le Point du 24 septembre 2024