Alors que l’Allemagne vient de rétablir les contrôles aux frontières et que les Pays-Bas préparent une loi d’urgence sur l’immigration, la France reste le seul pays d’Europe qui ne dispose d’aucune politique migratoire.
L’immigration est devenue la première préoccupation des citoyens en Europe comme aux États-Unis. La multiplication des guerres qui n’ont jamais été aussi nombreuses depuis 1945, le foisonnement des régimes autoritaires, les échecs du développement, l’accélération du réchauffement climatique provoquent en effet le renouveau des grandes migrations. Ainsi, en 2023 comme en 2022, plus de 6 millions de personnes ont émigré vers les pays développés. Cet afflux de population télescope de plein fouet la crise économique et sociale des démocraties, freine l’intégration et contribue à la montée de la violence et de l’insécurité, alimentant le vote d’extrême droite.
L’Europe, vieillissante, riche, disposant d’un État de droit qui garantit les libertés ainsi que d’une protection sociale exceptionnellement généreuse, est tout particulièrement concernée du fait de sa proximité avec l’Afrique. En 2050, notre continent ne comptera plus que 480 millions d’habitants âgés de 48 ans en moyenne, quand la population de l’Afrique atteindra 2,5 milliards d’habitants âgés de 19 ans en moyenne.
En 2023, 385.000 personnes sont ainsi entrées illégalement dans l’Union, à 96 % par voie maritime, et 1,14 million de demandes d’asile, majoritairement infondées, ont été déposées. Pour autant, le pacte sur la migration et l’asile, voté in extremis le 10 avril 2024 à la veille des élections européennes, pour endiguer la poussée des partis populistes, pérennise l’inefficacité chronique de la politique migratoire de l’Union. Il prévoit en effet un filtrage aux frontières qui reste virtuel et institue une solidarité des pays en cas de crise qui ne résout en rien les deux problèmes fondamentaux du contrôle des flux et de l’intégration des immigrés.
Envolée des entrées nettes d’étrangers
Au Royaume-Uni, de même, le Brexit a entraîné une perte totale du contrôle des frontières, qui a débouché sur les émeutes racistes de l’été 2024. Le départ de plus de 1 million de citoyens européens au prix de la désorganisation de secteur entiers de l’économie, dont la santé, a été accompagné d’une envolée des entrées nettes d’étrangers (745.000 en 2022 et 685.000 en 2023), venant à 85 % d’Afrique (Nigeria) et d’Asie (Inde, Pakistan), auxquelles s’ajoutent 40.000 à 50.000 traversées irrégulières de la Manche par an.
L’emballement des flux migratoires, la montée des violences, la menace djihadiste, la poussée du vote d’extrême droite ont abouti à un revirement majeur des États européens. Le contrôle de l’immigration fut initié au début des années 2010 en Europe centrale et orientale par la Hongrie de Viktor Orban, puis par les tenants de la démocratie illibérale, ce qui l’avait délégitimé. Il a été réhabilité par les sociaux-démocrates d’Europe du Nord qui l’ont mis en place avec succès pour préserver l’État-providence et enrayer le populisme.
Le Danemark, à la suite de la crise des caricatures de 2005, joua un rôle de précurseur, instituant un contrôle des entrées qui a fait chuter de 82 % les demandes d’asile, un programme de rapatriement des migrants et des mineurs isolés, un plan d’intégration par la formation et par l’emploi. La Suède, après avoir connu une explosion de violence à la suite de l’arrivée de plus de 800.000 migrants non européens pour 10,3 millions d’habitants, a limité les entrées, réduit les prestations, conditionné le séjour et les aides à l’intégration et à l’adhésion aux valeurs démocratiques. Ces politiques s’accompagnent d’une coopération étroite des États scandinaves pour réprimer l’immigration illégale.
Changement de cap spectaculaire
Sous une rhétorique très populiste, l’Italie de Giorgia Meloni conduit également une politique associant contrôle des flux et intégration. Les arrivées de migrants ont reflué de 64 % grâce aux accords passés avec la Tunisie et la Libye pour interdire les traversées et faciliter les retours. L’Italie a également négocié avec l’Albanie l’ouverture de trois centres pour externaliser la gestion des migrants dans l’attente de la décision sur leurs demandes d’asile.
Mais, dans le même temps, ont été régularisés 450.000 travailleurs étrangers, soit un record historique, pour répondre à la pénurie de main-d’œuvre de l’industrie italienne, devenue le quatrième exportateur mondial. À la suite de la multiplication des attaques au couteau et des émeutes, Keir Starmer, le nouveau premier ministre britannique, a créé un commandement de la sécurité des frontières et s’est rendu à Rome pour étudier les meilleurs moyens de réduire les traversées et lutter contre l’immigration clandestine.
L’Allemagne vient d’effectuer un spectaculaire changement de cap, sous la pression de l’insécurité et du terrorisme islamiste, qui ont provoqué l’envol de l’AfD. Après avoir affiché son intention de donner la priorité aux expulsions et envisagé un plafonnement des entrées ainsi qu’une limitation des aides, Olaf Scholz a décidé, en réaction à l’attentat de Solingen, de rétablir les contrôles aux frontières, le 16 septembre dernier. Les Pays-Bas préparent de leur côté une loi d’urgence qui prévoit également le contrôle des frontières, la suspension du droit d’asile, le durcissement du regroupement familial et des aides.
Effort d’intégration
La France reste le seul pays d’Europe qui ne dispose d’aucune politique migratoire. En 2023 ont été délivrés 320.000 titres de séjours, auxquels s’ajoutent environ 100.000 arrivées clandestines. Les OQTF sont inappliquées à hauteur de 95 % et les éloignements reculent de 38 %. Seuls 61 % des immigrés en âge de travailler ont un emploi et 48 % vivent en dessous du seuil de pauvreté. L’immigration s’affirme comme le principal vecteur du communautarisme et de l’islamisme dans notre pays.
Les sociétés vieillissantes et fermées sont condamnées au déclin, comme le montre le Japon. L’immigration zéro n’a aucun sens et la France doit rester ouverte aux talents étrangers comme aux victimes de l’oppression. Mais il n’existe aucun droit à un accueil inconditionnel ni au séjour d’étrangers menaçant la sécurité ou les valeurs de la République.
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Chronique parue dans Le Figaro du 22 septembre 2024