Ukraine, Moyen-Orient, Royaume-Uni, Philippines… L’été 2024 menaçait d’être meurtrier. C’était compter sans cette volonté éperdue de liberté défendue par les démocraties.
L’été 2024 promettait d’être meurtrier pour les démocraties, mêlant escalade de la violence sur le plan international et poussée du populisme à l’intérieur. En Ukraine, l’effroyable guerre d’attrition menaçait de tourner à l’avantage de la Russie, dont le rouleau compresseur progressait dans le Donbass, laissant craindre une rupture de l’armée de Kiev, confrontée à une pénurie d’hommes et de munitions. Le Moyen-Orient semblait sur le point de s’embraser, à la suite des frappes croisées entre Israël, puissance nucléaire, et l’Iran, pays du seuil, ainsi que de l’intensification des opérations de Tsahal en Cisjordanie comme de celles du Hezbollah et des Houthis, qui bloquent la mer Rouge et enchaînent les salves de tirs sur l’État juif.
En Asie, les tensions montaient entre la Chine et Taïwan mais aussi les autres États du Pacifique, Philippines en tête, autour de la souveraineté des îlots en mer de Chine. En Afrique, l’alliance entre djihadistes et Touareg annonçait la déroute des armées locales et la constitution d’un vaste « Sahelistan ». Aux États-Unis, l’élection de Donald Trump face à Joe Biden paraissait acquise après l’attentat de Butler, le 13 juillet. L’Europe subissait une multiplication des attaques au couteau, qui culminait au Royaume-Uni. Dans ce contexte, qui n’était pas sans rappeler les années 1930, de lourdes craintes pesaient sur la sécurité, l’organisation et l’atmosphère des Jeux olympiques de Paris.
Mais l’Histoire n’est jamais écrite à l’avance et rien ne s’est passé comme prévu. La dynamique de la haine et de la violence, née de la guerre d’Ukraine, qui constitue la matrice du XXIe siècle comme la Grande Guerre fut celle du XXe, n’a pas été désarmée. Pour autant, même si la liberté politique est très loin d’être sauvée, nombre de surprises positives sont intervenues qui rééquilibrent la balance entre les démocraties et les empires autoritaires, la stabilité et le chaos, la démagogie et la responsabilité, les passions et la raison.
David contre Goliath
Aux États-Unis, le renoncement de Joe Biden a changé la donne et une élection très serrée se dessine entre Donald Trump et Kamala Harris, qui se révèle une excellente candidate. Elle a imposé son charisme, son énergie et son habileté lors de la convention de Chicago. Elle a rendu l’espoir aux démocrates en remobilisant les femmes et les minorités tout en impulsant une dynamique de rassemblement des classes moyennes grâce au duo qu’elle forme avec Tim Waltz. Donald Trump n’est pas défait, mais il peine à réorienter sa campagne pour la contrer.
Au Royaume-Uni, Keir Starmer a établi son leadership à l’occasion des émeutes racistes déclenchées par l’explosion des attaques au couteau, montrant autant de fermeté envers les agresseurs qu’envers les militants d’extrême droite. Il réhabilite la social-démocratie en engageant le travail de réparation des ruines laissées par le populisme conservateur, qui a profondément dégradé l’économie, la société, les institutions et l’image du pays. Il a ainsi entrepris de reprendre le contrôle des finances publiques tout en réinvestissant dans les services de base et en cherchant à poser avec l’Allemagne les bases d’un nouvel accord post-Brexit avec l’Union européenne.
En Ukraine, David, à défaut de terrasser Goliath, fait mieux que lui résister. Face à la menace existentielle de l’immense Russie, la population et l’armée de Kiev font preuve d’une résilience, d’une cohésion et d’une faculté d’adaptation qui forcent l’admiration. Ainsi les forces ukrainiennes, sous pression dans le Donbass, ont-elles pris de court Moscou en lançant le 6 août une offensive vers Koursk. Elle leur a permis de conquérir plus d’une centaine de localités en territoire russe, soulignant les failles béantes dans la défense et dans l’organisation des secours à la population civile et préparant l’ouverture de négociations en position plus favorable.
Au Moyen-Orient, qui peut à tout moment basculer dans une confrontation généralisée, l’escalade est restée contrôlée, y compris après l’exécution à Téhéran du chef du Hamas, Ismaïl Haniyeh, et son remplacement par Yahya Sinwar, l’organisateur des massacres du 7 Octobre. Si les négociations pour un cessez-le-feu à Gaza demeurent dans l’impasse, la confrontation entre le Hezbollah et Israël est restée limitée. Une désescalade provisoire prévaut, du fait du refus d’une guerre totale par les États de la région, de la capacité de dissuasion militaire et technologique d’Israël ainsi que de la remarquable efficacité de la diplomatie des États-Unis.
Le prix de la liberté
Au Bangladesh, le soulèvement des étudiants a triomphé de la répression sauvage de la dictature de Sheikh Hasina, qui a été contrainte de s’exiler en Inde. Le Prix Nobel de la Paix Muhammad Yunus a pris la tête du gouvernement, avec pour mission de restaurer la paix civile et l’ordre constitutionnel, de relancer l’économie, de repositionner le pays à égale distance de la Chine, de l’Inde et de l’Occident.
Enfin les Jeux olympiques de Paris 2024 se sont parfaitement déroulés, en dépit des lourdes tensions internationales, donnant une magnifique image de la France mais témoignant aussi de la capacité des hommes et des nations du XXIe siècle à se retrouver, à rivaliser pacifiquement, à partager des émotions et des valeurs communes.
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Chronique parue dans Le Point du 10 septembre 2024