La crise politique et financière peut légitimement être vue comme un coup de grâce marquant le déclassement définitif de la France. Pourtant, elle recèle aussi des chances de redressement.
La France vit depuis l’été 2024 en état de schizophrénie. Elle s’enthousiasme et communie dans la réussite éclatante des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, qui ont réussi une alliance sans précédent entre le sport de très haut niveau et les lieux de patrimoine. Mais sous cette parenthèse enchantée, pointent le désarroi et l’angoisse devant la crise politique qui ébranle les institutions de la Ve République et la brutale accélération de la chute du pays.
La croissance, qui était atone, se trouve désormais à l’arrêt. L’investissement et les créations d’emplois sont bloqués ; la productivité poursuit son recul ; les faillites explosent ; le double déficit des finances publiques et de la balance commerciale (5,5 % et 3,8 % du PIB en 2023) étrangle l’économie. La société et le territoire français se disloquent sous la pression de la paupérisation, de la contagion de la violence et de l’extrémisme. Les attentats et les actes antisémites se multiplient. La Nouvelle-Calédonie plonge dans le chaos et la misère, l’incapacité à rétablir l’ordre public interdisant la reconstruction de l’archipel dont plus du quart du PIB et le tiers des emplois ont été détruits. La fête olympique ne parvient pas à masquer le recul de l’influence de notre pays dans le monde et sa marginalisation dans une Europe, qui pour, la première fois depuis 1945, se construit désormais sans la France. Avec pour symbole le choix de Keir Starmer de faire d’Olaf Scholz son partenaire unique pour négocier une nouvelle donne post-Brexit entre le Royaume-Uni et l’Union.
Deux changements majeurs sont par ailleurs intervenus qui modifient les termes de la crise française et placent notre pays à une heure de vérité.
Risque de choc financier
La dette publique, qui dépasse 3 150 milliards d’euros soit 46 350 euros par Français, est entrée dans une phase critique et se trouve désormais placée sous surveillance par les agences de notation, les marchés financiers et nos partenaires européens, ce qui s’est traduit par l’ouverture d’une procédure pour déficit excessif en juillet dernier. Elle est devenue insoutenable depuis que les taux d’intérêt dépassent la croissance nominale, avec une charge qui progressera de 39 à 74 milliards d’euros entre 2023 et 2027. La longue impunité a fait place à l’inquiétude et à l’intransigeance, d’autant que la France, par sa dimension systémique, met en péril l’euro et le grand marché qui constituent des biens communs européens. Le risque d’un choc financier est d’autant plus élevé que la dette est détenue à 54 % par des investisseurs étrangers et que la position extérieure nette de la France est négative à hauteur de 800 milliards d’euros. L’Allemagne a déjà fait savoir qu’elle s’opposerait à ce que la France bénéficie du Mécanisme européen de stabilité. Notre pays, s’il souhaite conserver sa souveraineté, n’a donc d’autre choix que de réduire ses dépenses publiques d’au moins 110 milliards d’euros dans les trois à sept ans qui viennent.
La tension sur les finances publiques s’accompagne d’une crise politique inédite depuis 1958, née de la dissolution dont chaque jour démontre un peu plus le caractère insensé. Alors que le record de durée d’un gouvernement démissionnaire a été battu, se trouvent mises en cause la gouvernabilité du pays et la stabilité des institutions de la Ve République, sur fond d’une très forte distorsion entre les préoccupations des Français et leur représentation politique. Il en résulte une paralysie complète de l’État au moment où sa mobilisation n’a jamais été plus nécessaire pour faire face à la montée des risques intérieurs comme à la montée des tensions internationales. Si, par chance, les JO se sont déroulés sans incident, l’absence de gouvernement interdit de répondre à la descente en vrille de l’agriculture ou du logement, aggrave les difficultés de l’éducation, de la santé et de la police, livre à elle-même la Nouvelle-Calédonie en ruines.
Renoncement ou le sursaut
La France se trouve aujourd’hui, comme à certains moments clés de son histoire, confrontée à un choix cardinal entre le renoncement ou le sursaut, le déclin ou la modernisation. Venant après quatre décennies de décrochage, cette crise financière et politique peut légitimement être vue comme un coup de grâce marquant le déclassement définitif de notre pays. Pourtant, elle recèle aussi des chances de redressement.
La France continue à disposer de nombreux atouts, qui pourraient s’avérer décisifs dans la nouvelle ère qui succède à la mondialisation, où la géopolitique prend le pas sur l’économie, les États sur les marchés, la sécurité sur l’optimisation des chaînes de valeur. En refusant in extremis à confier au RN le gouvernement du pays, les Français ont montré qu’ils n’ont pas renoncé à rester fidèles à leur histoire et aux valeurs de la République – quitte à assumer le prix élevé de l’ingouvernabilité du pays. Surtout, les Jeux de Paris ont montré que les Français étaient capables de se rassembler autour d’un objectif commun, d’étonner le monde par leur créativité, leur efficacité et leur sens de la fête, de rivaliser avec les meilleures nations au plan de l’organisation comme des performances sportives.
La clé des JO
La réussite des JO, fondée sur l’alignement de toutes les parties prenantes fournit des clés utiles pour sortir de l’impasse politique et engager le redressement de la France. Elle souligne la nécessité de quatre changements. Changement de posture du déni de la gravité de la situation de la France à la mobilisation pour reconstruire un modèle national original et adapté aux réalités du monde du XXIe siècle.
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Chronique parue dans Le Figaro du 1er septembre 2024