L’État, en se rapprochant de la faillite, se transforme en kleptocratie: pour continuer à dépenser, la puissance publique est désormais prête à tout.
L’État moderne a été créé en Europe à partir du XVIe siècle pour sortir des guerres de Religion, assurer la paix civile à l’intérieur et défendre la souveraineté du pays à l’extérieur. En France, il a constitué la nation. Et la Ve République a été fondée sur la restauration du pouvoir de l’État pour faire face aux tourmentes de l’histoire. Mais, au fil des décennies, l’État s’est retourné contre la République. Il est devenu obèse et impuissant, démultipliant les incertitudes et les risques qu’il est censé réassurer.
L’État constitue aujourd’hui une bulle spéculative. Depuis 1980, il a fait progresser la dette publique de 20 % à 110,6 % du PIB, soit 3 100 milliards d’euros. Cette dette est aujourd’hui insoutenable. La croissance nominale est en effet inférieure aux taux d’intérêt, ce qui entraîne une explosion de la charge de la dette qui atteindra 84 milliards en 2027. Surtout, le surendettement public se trouve au cœur d’un modèle économique de décroissance à crédit, qui associe chute de la démographie (1,67 enfant par femme), stagnation de l’activité (croissance de 0,4 % par an depuis 2019), diminution de la productivité, chômage permanent, double déficit commercial (100 milliards d’euros) et public (5,5 % du PIB).
La France va droit vers un choc financier majeur comparable à celui de l’Italie en 2011 ou du Royaume-Uni en 2022. Le redressement de ses finances publiques constitue une urgence absolue. Il ne s’effectuera pas par la croissance dont l’État a détruit tous les moteurs. Il ne peut passer par une hausse des impôts, alors que les recettes publiques culminent à 52 % du PIB. La seule solution consiste dans la baisse des dépenses publiques qui atteignent 57,5 % du PIB. Pourtant, Emmanuel Macron soutient contre toute raison que « nous n’avons pas un problème de dépenses excessives mais de moindres recettes ».
Contrairement aux États-Unis, les dépenses publiques ne sont pas affectées à l’offre, à l’investissement et à l’innovation, mais à l’entretien des clientèles publiques. Elles coûtent de plus en plus cher et ne rapportent rien. La France compte 5,7 millions de fonctionnaires, dont 2,5 millions dans l’État, 2 millions dans les collectivités, 1,2 million dans les hôpitaux. Leur nombre a encore augmenté de 59 000 en 2023, alors que les services de base de l’éducation, de la santé, des transports, de la politique ou de la justice s’effondrent. Les rémunérations et les retraites de la fonction publique représentent 40 % du budget de l’État – dont 40 milliards de transferts masqués au régime de retraites des fonctionnaires. Les dépenses sociales s’élèvent à 900 milliards d’euros, alimentant la paupérisation de la population qui dépend aux deux tiers des transferts sociaux.
L’État, en se rapprochant de la faillite, se transforme en kleptocratie. La dette publique se réduit à une gigantesque spoliation des générations futures. Pour continuer à dépenser, l’État est désormais prêt à tout. Sa tentative de reporter sur l’Union européenne le financement des dépenses publiques françaises a fait long feu. Dès lors, il fait main basse sur la trésorerie des entités publiques bien gérées. Il pille les caisses de retraite excédentaires du secteur privé pour combler les déficits des régimes des fonctionnaires et prétend s’approprier les réserves de l’Agirc-Arrco, qui a veillé à l’équilibre des retraites complémentaires, pour financer sa pseudo-réforme.
Surtout, depuis le tournant de 1983, imposé par la folle expérience de relance et d’étatisation de 1981 qui plaça notre pays aux portes du FMI, s’est instauré un contrat asocial qui consiste à renforcer la contrainte de compétitivité sur le secteur privé pour lui faire financer la sanctuarisation de l’im-productivité du secteur public. Avec pour dernier avatar l’accord avec les contrôleurs aériens, qui ont obtenu d’être rémunérés comme les plus hauts fonctionnaires pour travailler un jour sur deux avec 25 % de temps de pause et une retraite assurée dès 59 ans, le tout étant financé par les compagnies aériennes, donc en réalité par les passagers – quand bien même les contrôleurs français sont responsables de 80 % des retards dans les vols en Europe.
Dans l’éducation, les établissements privés sont mis en accusation alors qu’ils obtiennent à condition sociale égale des résultats 20 % supérieurs à ceux du public pour un coût par élève inférieur de 1 200 euros par an. Au moment où la santé est touchée de plein fouet par l’inflation, l’État limite la hausse des tarifs des cliniques à 0,3 % contre 4,3 % pour les hôpitaux, ce qui va placer 60 % des établissements privés, qui prennent en charge 9 millions de malades et assurent 55 % des opérations chirurgicales, en pertes sévères en 2024. Il en va de même pour les Ehpad où les tarifs des établissements publics sont fortement rehaussés, contrairement à ceux du privé, qui accueillent pourtant la majorité des personnes du grand âge.
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Chronique parue le 29 avril 2024