Sortir la France de l’impasse
La France n’a jamais été aussi exposée et vulnérable depuis les années 1930, prise en tenailles entre sa décomposition intérieure et la montée des tensions internationales.
Près de deux ans après la réélection d’Emmanuel Macron, son second quinquennat se trouve à un tournant. La France part désormais en chute libre. Au terme de quatre décennies de démagogie qui ont culminé avec le slogan « Quoi qu’il en coûte », elle est télescopée par la sortie de contrôle de ses finances publiques, par l’effondrement de la sécurité illustrée par l’ultraviolence d’une partie de la jeunesse, par le triomphe annoncé du Rassemblement national lors des élections européennes qui préfigure son arrivée au pouvoir, par le retour de la guerre et de la menace terroriste.
Sous les discours martiaux d’Emmanuel Macron exaltant sa grandeur, pointe la réalité d’une France enfermée dans une impasse. Impasse économique, avec la mise en place d’une spirale décroissante alimentée par la baisse des gains de productivité de 6 % depuis 2019, la remontée du chômage audelà de 8 % de la population active, le déficit commercial de 100 milliards d’euros, le déficit public de 5,5 % du PIB. Impasse financière avec une dette de 3 100 milliards d’euros qui devient insoutenable dès lors que la croissance nominale (2,8 %) est inférieure aux taux d’intérêt (3 %) et que sa charge explose, passant de 40 milliards d’euros en 2021 à 84 milliards en 2027.
Impasse sociale avec la propagation d’une dynamique de peur, de haine et de violence, qui se traduit par l’éclatement de la nation et du territoire ainsi que par la multiplication des révoltes, des gilets jaunes aux agriculteurs en passant par les manifestations contre la réforme des retraites ou les émeutes urbaines. Impasse politique caractérisée par un président en apesanteur, un État impuissant qui n’est plus capable d’assurer les services de base alors qu’il accapare 58 % du PIB, une montée irrésistible des populismes face à des élites coupées du peuple. Impasse diplomatique et stratégique avec la perte d’influence de la France consécutive à la fonte de sa puissance et à la perte de son indépendance, du fait de son effondrement économique et financier, comme du caractère erratique de sa politique extérieure qui accumule les échecs en Europe, au MoyenOrient et en Afrique.
Or cet effondrement intervient dans un moment d’accélération de l’histoire, qui met la liberté politique en très grand danger. La France n’a jamais été aussi exposée et vulnérable depuis les années 1930, prise en tenailles entre sa décomposition intérieure et la montée des tensions internationales.
La Ve République, qui avait été créée pour affronter les chocs de l’histoire, se révèle aussi impuissante que la IVe République face à la guerre d’Algérie. Elle a été corrompue par l’hypercentralisme et par un État obèse autant qu’inefficace. Comme en 1940, la France n’a pas plus de chef que d’État. Privé de vision, de projet, de majorité et d’électeurs, Emmanuel Macron a perdu sa légitimité et son crédit. Faute de disposer et de pouvoir appliquer la moindre solution à la crise existentielle de la France, il cultive le déni avec pour dernier avatar, face à la débâcle financière, la déclaration surréaliste selon laquelle « nous n’avons pas un problème de dépenses excessives mais de moindres recettes » et multiplie célébrations et commémorations. La parole se substitue à l’action. Le passé dissout le présent. La mémoire cannibalise la politique.
Emmanuel Macron se trouve désormais à l’heure des choix. Par sa faute, la nomination de Gabriel Attal comme premier ministre a fait long feu. La France ne passera pas trois années supplémentaires de descente aux enfers sans secousses majeures. Soit il persiste dans les errements d’un quinquennat illisible et il sera rattrapé par les chocs financiers, politiques et stratégiques. Les réformes finiront par se faire mais seront imposées par nos partenaires et les marchés, au prix de violences et de traumatismes considérables. Il restera alors dans l’histoire le président qui a accumulé plus de 1 000 milliards d’euros de dettes, aliéné la souveraineté de la France et fait le lit de l’extrême droite. Soit il assume ses responsabilités de garant ultime de la nation et il remplit le mandat de modernisation du pays que lui ont donné les Français en 2017, en bouleversant la donne pour répondre aux menaces existentielles qui pèsent sur la France.
Et ce autour de quatre changements radicaux. Changement d’état d’esprit : rompre avec l’institutionnalisation du mensonge pour affronter la réalité et s’adapter à la nouvelle ère caractérisée par l’éclatement de la mondialisation, la menace des empires autoritaires et des djihadistes, la libération de la violence. Changement de mode de gouvernement : renoncer à l’exercice solitaire, centralisé et technocratique du pouvoir pour former un gouvernement fort de salut national disposant d’une majorité parlementaire stable dès lors qu’une démocratie ne peut gérer les crises sans ses citoyens et leurs représentants. Changement de méthode : concentrer l’action publique sur quelques priorités : la production, le travail et l’innovation ; l’éducation et la connaissance ; la sécurité intérieure et extérieure ; le rétablissement des finances publiques et la réforme de l’État. Changement de philosophie : libérer la société et faire confiance aux Français.
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Chronique parue le 22 avril 2024