La dette sociale, clé du redressement des comptes publics
Ce ne sont pas les promesses vaines de diminution du chômage ou de hausse de l’activité qui pourront rétablir nos finances publiques mais bien la réforme du modèle social.
Le dérapage du déficit public de 4,9 % à 5,5 % du PIB, soit 154 milliards d’euros, acte la perte de contrôle des finances publiques françaises. La dette atteint désormais 110,6 % du PIB et approche 3 100 milliards d’euros fin 2023, soit 45 600 euros par Français. Notre pays affiche la pire performance de la zone euro, dont le déficit et la dette sont revenus à 2,8 % et 89,9 % du PIB. Seule l’Italie présente un déficit supérieur de 7,2 % du PIB, atténué toutefois par une réduction de la dette à 140,5 à 137,3 % du PIB. Les autres pays d’Europe du Sud se redressent à l’image de l’Espagne (déficit de 3,7 % du PIB), de la Grèce (déficit de 2,1 % du PIB) et du Portugal, en excédent de 1,2 % du PIB avec une dette ramenée en dessous de 100 % du PIB.
Les explications avancées par le gouvernement sont indigentes. Son aveuglement a été volontaire tant la dégradation de l’environnement international et le fort ralentissement de la croissance étaient connus de tous. Sa seule boussole demeure la volonté de minimiser la gravité de la situation financière de notre pays, faute d’avoir l’intention et les moyens d’y faire face.
La France est rattrapée par le passif de cinquante ans de laxisme et de démagogie. Elle est en passe de perdre toute crédibilité auprès de ses partenaires européens comme des marchés. Moody’s a enterré la trajectoire des finances publiques françaises qui prétendait réduire à 2,7 % le déficit d’ici à 2027, ce qui ouvre la voie à une procédure de l’Union pour déficit excessif. Le plus grave reste cependant que la dette française, dont le service bondira à 84 milliards d’euros en 2027, n’est plus soutenable. Désormais sous surveillance des agences de notation comme des investisseurs, notre pays va droit vers une crise financière comparable à celles subies par l’Italie en 2011 et le Royaume-Uni en 2022.
Le redressement des finances publiques constitue donc une priorité nationale. Il ne peut en aucun cas être obtenu par une hausse d’impôts. La course folle entre dérive des dépenses publiques et augmentation des prélèvements publics se trouve au principe même de la ruine de la France. D’un côté, elle détruit la production, l’investissement l’innovation et l’emploi. De l’autre, elle fait dépendre les revenus des trois quarts de la population des transferts sociaux, enracinant le chômage de masse et la pauvreté, tandis que moins de 10 % de la population contribue de manière nette positivement aux finances de la nation.
Pour éviter un choc financier, la France doit diminuer le déficit public d’un point de PIB par an, ce qui supposerait d’augmenter les impôts de 2 points de PIB par an alors même que les recettes publiques culminent à 52 % du PIB. Avec pour conséquences le basculement dans la récession, qui tuerait dans l’œuf les prémices de réindustrialisation, et une révolte fiscale, qu’ont annoncé la jacquerie des « gilets jaunes » puis le soulèvement des agriculteurs. Soit une impasse.
La seule voie efficace, juste et responsable pour redresser nos finances publiques consiste donc à diminuer les dépenses et à les réorienter vers les usages productifs. Et pour cela, il convient d’établir la transparence sur les comptes publics, qui sont aujourd’hui faussés pour masquer la dérive et la faillite de l’État-providence.
Les dépenses publiques culminent en France à 58,2 % du PIB contre 49,3 % dans l’Union européenne. Elles représentent 1 600 milliards d’euros, dont 900 milliards de dépenses sociales qui se répartissent entre la Sécurité sociale, à hauteur de 800 milliards, et l’État et les collectivités locales, à hauteur de 100 milliards – notamment sous la forme d’une floraison de dispositifs pour subventionner le revenu et la consommation des ménages. Elles absorbent près de 34 % du PIB (27 % dans l’Union), dont 14,5 % pour les retraites (11,9 % dans l’Union), 12,4 % pour la maladie (contre 10,5 % dans l’Union), 2,2 % pour le chômage, 1,9 % pour la lutte contre l’exclusion. Ces dépenses ont cannibalisé le financement des missions premières de l’État, expliquant l’effondrement de l’éducation, de la sécurité, de la justice ou de la défense.
La France affecte ainsi plus de 70 % de ses dépenses sociales aux personnes âgées, alors même que les retraités disposent d’un niveau de vie supérieur de 9,5 % au revenu médian de la population française. Les comptes de la retraite publiés par le COR sont lourdement biaisés puisqu’ils excluent les régimes des fonctionnaires et les quelque 40 milliards de subventions d’équilibre versés par l’État et les collectivités locales. Par ailleurs, ils incluent les recettes fiscales de la Cades dont l’objet est de rembourser la dette sociale et non de financer les pensions.
Ceci aboutit à minorer fortement le déficit de la Sécurité sociale. De nature structurelle, celui-ci s’établit en réalité autour de 65 milliards d’euros, soit 2,5 % du PIB. Il constitue une bombe financière et sociale. Il génère en toute opacité depuis les années 1990 une gigantesque dette sociale qui constitue la principale raison de l’implosion de nos finances publiques. Il est incompatible avec la pérennité de régime de retraites par répartition, qui ne peuvent enregistrer de déficits sauf à spolier les générations futures.
Le programme d’économies de 10 milliards d’euros annoncé par le gouvernement est à la fois inefficace et contreproductif. Il ne traite en rien la nature structurelle des déficits puisqu’il exclut les dépenses sociales. Il porte pour moitié sur des dépenses d’investissement contribuant à la réindustrialisation, à la révolution numérique, à la transition écologique ou au réarmement qu’il conviendrait au contraire de préserver.
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Chronique parue le 1er avril 2024