Macron, la grande diversion
En France, la marque des gouvernements en situation d’échec consiste à légiférer dans le domaine sociétal, afin de faire diversion et d’afficher leur progressisme dans les moeurs faute d’être capables de le traduire dans les faits. Emmanuel Macron a poussé ce système jusqu’à ses limites en se réfugiant dans les projets sociétaux et dans les commémorations pour tenter d’occulter son incapacité à moderniser le pays et à rassembler les Français autour des réformes que chacun sait indispensables mais qu’il se refuse à réaliser.
Le repli sur les lois sociétales (IVG, fin de vie) va de pair avec la multiplication des commémorations nationales – 26 organisées par Emmanuel Macron, contre 13 pour François Hollande, 3 pour Nicolas Sarkozy et 5 pour Jacques Chirac.
Il est parfaitement légitime de légiférer sur la fin de vie, d’honorer de grandes figures ou de commémorer la libération de la France et de l’Europe. Mais force est de constater que, avec Emmanuel Macron, la mémoire est instrumentalisée et détournée pour devenir une politique. La communication se substitue à l’action et à la modernisation de notre pays dans un moment critique afin de le mettre en situation de défendre sa souveraineté, ses institutions et ses valeurs.
Sous les réformes sociétales et les commémorations, on trouve toujours la politique intérieure. Le passé se voit instrumentalisé au service des enjeux partisans, comme on l’a constaté avec le rapprochement improbable entre Libération et guerre d’Ukraine effectué lors des obsèques de l’amiral de Gaulle. La mémoire, au lieu de rassembler la nation, est de plus en plus atomisée et polarisée : ainsi la diabolisation de la colonisation va de pair avec l’impunité envers les crimes du communisme. Enfin, la mémoire est partout et la politique nulle part. La parole évince l’action : le passé mythifié dissout le présent.
Le moindre des paradoxes n’est pas que l’histoire envahisse tout, alors qu’il n’est plus possible de l’enseigner, sauf à ce que les professeurs risquent leur vie, comme l’a tragiquement vécu Samuel Paty. Et qu’Emmanuel Macron ne cesse de célébrer les valeurs de la République que lui-même et son gouvernement ont renoncé à incarner et à défendre. Comment mettre à l’honneur les artistes tout en affirmant que la culture et la civilisation françaises n’existent pas ? Comment célébrer Simone Veil et la mémoire de la Shoah tout en laissant prospérer l’antisémitisme ? Comment honorer Robert Badinter tout en cultivant le mépris pour l’État de droit ?
À travers les lois sociétales et la mise en scène d’une « commémonation », Emmanuel Macron applique la stratégie du rémora, ce poisson-ventouse qui se colle aux grands animaux marins, particulièrement les requins, pour se nourrir et voyager. Il s’abrite à l’ombre de grandes figures pour tenter d’exister. Victor Hugo soulignait que « les grands hommes font leur propre piédestal ; l’avenir se charge de la statue ». Emmanuel Macron essaie de sculpter la statue des autres pour s’en servir de piédestal. Mais on ne préside pas par procuration. Les tragédies de l’Histoire révèlent les grands hommes et écrasent les médiocres. Pour l’heure, la seule trace que laissera Emmanuel Macron est celle d’un fossoyeur de la République, qui prépare méthodiquement l’accession de l’extrême droite au pouvoir
Chronique du 28 mars 2024