L’addiction à la dépense et aux prélèvements publics constitue une menace pour la croissance et l’emploi, comme pour la citoyenneté et la souveraineté.
Une démocratie est en très grand danger quand les mots se mettent à diverger des faits et des actes. Or tel est le cas de la France autour de la dérive des finances publiques et du modèle de décroissance par la dette. Elle dépasse désormais 3 000 milliards d’euros et est rendue insoutenable par la montée des taux d’intérêt, promettant la France à un choc financier majeur.
Le gouvernement martèle que les dépenses publiques vont baisser et qu’il n’y aura pas de hausses d’impôts en 2024, ce qui ouvre la voie à une croissance tirée par la production et les exportations et non plus seulement par la consommation. La réalité est à l’opposé : non seulement les dépenses publiques ne sont nullement maîtrisées, mais la stabilisation apparente des impôts masque une envolée des taxes. Justifiées par la transition climatique, elles sont destinées à combler les trous du budget et à élargir le socle des prélèvements qui autorisent de nouvelles dépenses. Avec des conséquences désastreuses pour l’économie, la société et la nation.
La stratégie du « quoi qu’il en coûte », dont on annonce la fin depuis deux ans, demeure la ligne directrice de la politique financière de la France. Après la lutte contre l’épidémie de Covid et l’inflation, elle est désormais motivée par la conduite de la transition climatique. Le symbole de la course folle aux dépenses est fourni par l’annonce d’un « pass rail » par le président de la République, pour un coût de 3 milliards d’euros au moins, sans aucune étude sur son financement et sa faisabilité opérationnelle. La seule économie porte sur la suppression de la ristourne sur les carburants, qui se réduit à l’arrêt d’une mesure d’urgence. Non seulement aucun effort n’est fait sur les dépenses de fonctionnement de l’État ou les transferts sociaux, mais l’indexation de certaines rémunérations et de nombreuses prestations réduit à néant les futures marges de manœuvre budgétaires.
Les prélèvements obligatoires ont atteint le niveau record de 45,4 % du PIB en 2022.
Le tour de passe-passe sur les impôts, alors que les prélèvements obligatoires ont atteint le niveau record de 45,4 % du PIB en 2022, est encore plus trompeur. L’inflation, dont le gouvernement ne neutralise pas les effets en matière fiscale, est une machine à gonfler les recettes publiques, comme on l’a constaté en 2022. Sous l’apparente stabilité des impôts pointe surtout la flambée des taxes. La suppression de la taxe d’habitation se révèle un marché de dupes : sa charge est transférée sur la taxe foncière et donc sur les propriétaires – contribuant significativement à l’arrêt de la construction de logement et à la crise de l’immobilier. La plupart des taxes existantes sont indexées sur l’inflation, à l’image du tabac. Enfin, la transition climatique fournit le prétexte d’un feu d’artifice de nouvelles taxes – de la hausse du malus automobile aux taxes sur les concessions autoroutières, sur les aéroports ou sur les billets d’avion.
Cette frénésie fiscale portera le coup de grâce à une économie très affaiblie, dont la croissance oscille entre 0,3 et 0,7 % par an. Son premier effet sera d’alimenter l’inflation et de réduire la consommation. Les taxes dégradent la compétitivité des entreprises, en sapant les efforts pour redresser l’attractivité de la France. Dans le domaine aérien, les taxes et les redevances représentent déjà plus de 50 % du prix des billets d’avion et se situent au tout premier rang en Europe. Leur hausse provoquera inévitablement des détournements de trafic au profit des aéroports et des compagnies aériennes étrangères. Avec, à terme, un impact négatif sur le tourisme qui génère 8 % du PIB.
Le matraquage fiscal des infrastructures et des concessions est également aberrant du point de vue de la transition climatique, qui exige de mobiliser les financements privés pour réaliser les immenses investissements requis par la décarbonation des transports et de l’énergie. La seule méthode permettant de décarboner efficacement et rapidement les transports, comme le montrent les États-Unis et la Chine, consiste à inciter les entreprises à décarboner la route – via les installations de recharge électrique et les stations d’hydrogène, la fluidification et la sécurisation des trafics, la production d’énergies vertes, la résilience face aux dérèglements climatiques – et l’aviation – via le renouvellement des flottes et le développement des carburants durables.
Sur le plan politique enfin, les taxes sont une machine à paupériser les classes moyennes et populaires et donc à les faire basculer dans la violence et l’extrémisme. Les jacqueries fiscales des Bonnets rouges puis des Gilets jaunes ont montré que le risque n’avait rien de virtuel. Il est stupéfiant de constater qu’aucune leçon n’a été tirée de ces crises qui ont durement ébranlé la cohésion de la nation et la stabilité de notre démocratie.
(Chronique parue dans Le Point du 14 septembre 2023)
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