Croissance en berne, explosion du chômage des jeunes, déflation, crise immobilière… Le trou d’air de l’économie chinoise n’est pas conjoncturel mais structurel.
L’été 2023 a été meurtrier pour l’économie chinoise. La progression de l’activité a été limitée à 0,8 % au second trimestre, ce qui met hors d’atteinte l’objectif d’une croissance de 5 % cette année. L’indice des prix à la consommation a diminué de 0,3 % en juillet, en pleine inflation mondiale.
Le chômage des jeunes a explosé pour atteindre un taux de 21,3 %, ce qui a conduit les autorités de Pékin à suspendre sa publication. La Chine présente ainsi l’ensemble des signes d’une entrée en déflation.
Le trou d’air de l’économie chinoise n’est pas conjoncturel mais structurel. Le modèle économique des « quarante glorieuses », qui reposait sur le développement des entreprises privées et sur les exportations de produits industriels vers les pays développés, est caduc. La réorientation vers le marché intérieur et la reprise en main de l’économie par le Parti communiste se traduisent par une chute de la croissance de 9,5 % à 3 % par an et par l’annihilation des gains de productivité. La chute de la population active ne permet plus à la Chine d’être l’atelier du monde.
La crise est aussi immobilière et financière. Les banques sont déstabilisées par la multiplication des créances douteuses. La chute du yuan et le retrait des investissements étrangers, à la notoire exception de l’Allemagne, devant le risque économique et géopolitique chinois provoquent une fuite massive des capitaux – plus de 11 milliards de dollars au cours de la première quinzaine d’août – ainsi que la chute de la Bourse de Shanghaï.
La Chine se trouve ainsi prise au piège des pays à revenus intermédiaires. Et elle ne le doit qu’à elle-même. La fin du miracle chinois n’est pas due aux sanctions américaines mais au tournant politique et stratégique effectué par Xi Jinping qui associe retour au maoïsme et au culte de la personnalité, durcissement idéologique à l’intérieur et impérialisme à l’extérieur. La reprise en main des entreprises et de la société par le Parti communiste ainsi que le primat des entreprises publiques sur le secteur privé se traduisent par la chute de l’activité et le blocage de l’innovation.
La confrontation engagée contre les démocraties, actée par le partenariat stratégique avec la Russie de Vladimir Poutine, débouche sur le découplage avec l’Occident : les importations américaines en provenance de Chine ont diminué de 25 % au premier semestre et sont désormais devancées par les biens venant du Canada et du Mexique.
Xi Jinping a ainsi méthodiquement détruit les fondements des « quarante glorieuses » chinoises. Il a remis en question le contrat social qui permettait de développer librement l’activité privée à la condition de ne pas remettre en cause le monopole du pouvoir politique du Parti communiste. Il a brisé l’intégration économique et financière de Chinamerica en désignant les États-Unis comme ennemi. Il a fait exploser la mondialisation qui avait fourni l’environnement et le vecteur de l’émergence de la Chine.
Face à l’effondrement de la démographie et à l’installation d’une croissance molle, indissociable d’un chômage élevé, Xi Jinping s’enferme dans le déni, refusant toute relance et tout plan de restructuration de l’immobilier, dont le krach est un poison violent mais lent.
Il entend au contraire mettre l’atonie de la consommation intérieure au service du basculement vers une économie de guerre. Il prétend compenser la stagnation du revenu des nouvelles classes moyennes par l’exacerbation du nationalisme et de l’impérialisme, avec pour priorité l’annexion de Taïwan.
Le succès de la révolte des villes contre la stratégie « zéro Covid » montre toutefois que les Chinois ne sont pas prêts à tout accepter et que le pouvoir réputé absolu de Xi Jinping peut être mis en échec. Or les résultats de sa ligne économique et diplomatique paraissent tout aussi calamiteux que ceux de sa politique sanitaire, seul Vladimir Poutine ayant réussi à faire pire. La spirale déflationniste de l’économie chinoise s’accompagne en effet pour l’heure du renouveau de la puissance des États-Unis, de la perspective d’un âge d’or de l’Inde de Narendra Modi qui entend se substituer à la Chine comme atelier de l’ère numérique et comme leader du Sud global, de la mobilisation des démocraties asiatiques autour des États-Unis pour endiguer les ambitions de Pékin dans le Pacifique.
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Chronique parue le 4 septembre 2023