La principale fragilité de l’Otan provient de sa dépendance de plus en plus étroite vis-à-vis des États-Unis.
Alors que la guerre en Ukraine s’est installée dans un temps long, le sommet de l’Otan organisé à Vilnius les 11 et 12 juillet, constituait un test majeur sur la capacité des alliés à rester unis autour du soutien et des garanties de sécurité à Kiev, de l’élargissement de l’Alliance, de la sécurité de l’Europe face à la menace de la Russie. Il a été réussi, confirmant le renouveau de l’Alliance atlantique engagé à Madrid, mais aussi sa dépendance extrême vis-à-vis des États-Unis.
L’Otan a intensifié son aide à l’Ukraine, qui atteint 160 milliards de dollars, dont 73 milliards sur le plan militaire, et l’a inscrite dans la durée. La question la plus sensible portait sur la réponse à apporter à la demande de Kiev d’intégrer le plus rapidement possible l’Otan. Et ce afin de bénéficier d’une garantie de sécurité effective face à la Russie et de sortir du statut dangereux de candidat potentiel, ni dedans ni dehors, qui prévaut depuis le sommet de Bucarest de 2008 et qui a précipité les agressions russes de 2014 et 2022. L’Otan a ainsi affirmé que l’« avenir de l’Ukraine est dans l’Alliance », adressant un signal très clair sur son ancrage occidental et sur le principe de son adhésion. Un conseil a été créé, qui institue un partenariat de sécurité sans équivalent avec Kiev, et la procédure d’élargissement sera simplifiée. Mais, contrairement aux vœux de Volodymyr Zelensky, de la Pologne et des pays Baltes, aucun calendrier n’a été fixé, ce qui conditionne l’examen de la candidature ukrainienne à la fin de la guerre pour éviter toute situation de cobelligérance avec la Russie. Le sommet de Vilnius a aussi permis de faire progresser la candidature de la Suède, bloquée par le veto de Recep Erdogan. Il pourrait être levé par la reprise des négociations avec l’Union européenne sur les visas et les échanges commerciaux, vitaux pour la sortie de crise de l’économie turque. L’adhésion de la Suède comme 32e membre de l’Otan constituerait un gain stratégique majeur en permettant le contrôle de la Baltique, en facilitant la défense des États baltes et en ouvrant de nouvelles possibilités d’intervention dans l’Arctique.
L’Otan poursuit enfin son réarmement, qui voit une majorité des alliés européens atteindre ou dépasser l’objectif d’un effort de défense de 2 % du PIB. Simultanément, elle déploie son dispositif de défense de l’avant face à la Russie dans l’Europe orientale, fondé sur le déploiement de huit groupes tactiques et sur le durcissement de sa défense aérienne.
La démonstration de force et d’unité réussie par l’Otan doit tout aux États-Unis et consacre la stratégie arrêtée par Joe Biden, qui s’organise autour de trois axes. La montée en puissance du soutien militaire à Kiev, afin d’infliger à la Russie des dommages suffisants pour l’obliger à négocier, tout en contrôlant strictement les risques d’escalade et en maintenant un dialogue avec Moscou.
La renaissance spectaculaire de l’Alliance, portée par l’absence d’alternative pour répondre à la menace russe et par la cohérence retrouvée du leadership américain, masque toutefois d’importants dilemmes qui restent non résolus.
Les divergences portent d’abord sur les objectifs de la guerre en Ukraine : Kiev, appuyé par les pays de l’ancien empire soviétique, vise le retour à la souveraineté sur l’intégralité de son territoire, sa garantie par l’intégration dans l’Otan et l’affaiblissement durable de la Russie pour interdire toute agression ; Washington, qui détient les clés du conflit, poursuit la défaite stratégique de la Russie, mais privilégie un règlement négocié et souhaite éviter son éclatement qui pourrait compromettre le contrôle de ses 6 400 têtes nucléaires.
La principale fragilité de l’Otan provient cependant de sa dépendance de plus en plus étroite vis-à-vis des États-Unis. Avec un budget de 860 milliards de dollars, ils représentent 68 % des dépenses militaires de l’Alliance, assurent seuls sa supériorité technologique et déterminent sa stratégie. Mais tout cela ne dépend que de l’Administration Biden, qui constitue la configuration la plus favorable à l’Europe et à l’Alliance à Washington. Or le maintien de cette ligne est suspendu non seulement à l’élection présidentielle de 2024, mais à un coup d’arrêt improbable à la décomposition de la démocratie et de la société américaines.
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Chronique parue le 17 juillet 2023